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Photo Muriel Anssens © Cai Studio / MAMAC, Nice
« Cai Guo-Qiang. Travel in the Mediterranean » [en collaboration avec Gilbert PERLEIN]
in Cai Guo-Qiang, Travel in the Mediterranean, cat. MAMAC, Nice / Cudemo, Bordighera, 2010.
Le Musée d’Art moderne et d’Art contemporain présente du 12 juin 2010 au 9 janvier 2011 une exposition de l’artiste Cai Guo-Qiang. Né à Quanzhou en Chine en 1957, l’artiste grandit sous la Révolution culturelle avant de séjourner dix ans au Japon et de s'installer définitivement à New York en 1995. Lion d'or de la Biennale de Venise en 1999, il se fait connaître auprès du grand public avec la cérémonie d’ouverture et de clôture des Jeux Olympiques de Pékin en 2008. L’exposition I Want to Believe présentée au Guggenheim Museum de New York en 2008 puis à Bilbao en 2009 atteint un record d’audience. Après deux expositions remarquables en France à la Fondation Cartier à Paris en 2000 et au MAC de Lyon en 2001, sans compter sa participation en 2003 à Alors la Chine ? au Centre Georges Pompidou, la proposition du Mamac met en évidence les relations existantes entre son travail et celui du niçois Yves Klein, figure tutélaire de la scène artistique des années 1950-1960.
Inspirées à la fois de la philosophie chinoise et de la culture occidentale, les installations de Cai Guo-Qiang mettent en scène les rapports entre l’Extrême-Orient et l’Occident, entre l’Homme et l’Univers. Bien loin de révéler leurs dichotomies, Cai explore les liens qui les unissent. Son oeuvre, aux antipodes du stéréotype de l’artiste chinois ‘’authentique’’, se lit comme la réponse d’un expatrié face à un environnement de plus en plus globalisé et auquel nous sommes tous confrontés. Influencé par la peinture et la médecine traditionnelles chinoises, Cai parle de son histoire, de sa relation à son pays natal. Le métissage, le syncrétisme et le rapport à l’autre caractérisent sa démarche. Rent Collection Courtyard ou Head on évoquent de l’effondrement des idéologies du XXème siècle quand les Explosion Projects débordent d’universalité. Face à cette oeuvre à la fois culturelle et universelle se pose la question de son interprétation.
C’est pourquoi l’analyse d’Akira Tatehata, auteur japonais, commissaire d’exposition indépendant et directeur du National Museum of Art d’Osaka, éclairera d’un regard différent les oeuvres présentées au musée et restituées dans ce catalogue. Envisagé comme un carnet de bord retraçant l’accrochage de l’exposition et la réalisation de la performance, cet ouvrage souhaite coller au plus près de la démarche de l’artiste qui considère la genèse du projet et son résultat comme une seule entité.
Travels in the Mediterranean parle de la rencontre entre une oeuvre et un lieu. L’exposition résulte d’une expérience territoriale et humaine, impliquant la population et la main-d’oeuvre niçoise ainsi que des intervenants chinois et japonais. Née de cette collaboration, de cet échange, elle s’adapte à l’architecture qui l’accueille et entre en résonance avec le travail d’Yves Klein à qui une salle des collections permanentes est dédiée.
Cai développe une oeuvre résolument contextuelle nécessitant souvent la collaboration d’un tiers : des volontaires d’Iwaki (Japon) pour le montage de Reflection – A Gift from Iwaki (2004), une étudiante shanghaïenne pour la création du dessin Travels in the Mediterranean (2010). Chaque oeuvre a son histoire et ses acteurs. Elle se développe à partir d’un site spécifique et en rapport avec lui. Toute nouvelle présentation est en quelque sorte une réactivation qui nécessite la complicité de la population locale. La performance dans les anciens Abattoirs municipaux tout comme le montage du bateau de pêche et la réalisation des feux d’artifice -présents dans l’exposition au travers des projections vidéo- ont concentré l’effort d’étudiants, de professionnels locaux et nationaux venant d’horizons différents. Tous, que nous souhaitons remercier ici, ont permis cette ‘contextualisation’. Cette synergie, ce besoin de travail communautaire est induit par l’oeuvre de Cai. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Cai a réalisé les dessins, présentés dans l’exposition, à Nice et plus particulièrement dans un lieu chargé d’histoire en phase de devenir un « pôle dédié à la création et au débat d'idées contemporains » [1].
Soucieux du regard du spectateur, Cai appréhende l’exposition dans sa totalité. Tel un metteur en scène, il a dès sa première visite au Mamac repensé l’espace d’exposition en exploitant au maximum son potentiel spatial. Les passerelles sont réaménagées afin d’accueillir des dessins préparatoires invitant au travail suivant. Elles retrouvent ainsi leur fonction première : créer un moyen de communication fluide et circulaire entre les salles d’exposition. Cai a souhaité suggérer cette propriété enveloppante par l’absence de cloisons centrales. Chaque espace est perçu d’un seul coup d’oeil, englobant le spectateur au sein même de l’installation.
Les dessins à la poudre noire, l’épave emplie de céramique et les projections vidéo d’événements pyrotechniques nous invitent à une expérience spirituelle et sensorielle. Le voyage débute par un dialogue entre la Méditerranée et la Chine au travers de dessins de feu, pour nous emmener au large d’Iwaki au Japon où une gigantesque épave a été excavée des sables, avant de nous propulser dans l’immensité de l’univers. Autour : des dessins préparatoires, des reportages vidéo et une biographie illustrée confèrent à cette scénographie une dimension didactique.
Travels in the Mediterranean (2010)
Dans la première salle, un mur incurvé accueille des dessins monumentaux réalisés sur huit feuilles de papier Japon d’environ quatre mètres par trois. Ensemble, ils forment une composition de 32 mètres de long [2]. Réalisés lors d’une performance les lundi 7 et mardi 8 juin 2010 [3] dans les anciens Abattoirs de Nice avec la collaboration du Chantier Sang Neuf, ces dessins retracent le ressenti d’une jeune étudiante face à la découverte du territoire azuréen. L’artiste a invité Yuting Zhang, une élève de l’Ecole de théâtre de Shanghai où il a lui-même été formé, à l’accompagner lors de son séjour sur la Côte d’Azur. Son impression sur ce voyage guidera la main de l’artiste. Un dialogue s’initie alors entre Cai et Zhang.
D’abord le dessin, figuratif et abstrait, introduit un travail au fusain fait d’ombres portées et d’esquisses où des sujets naturels et cosmiques côtoient des figures féminines. Par un jeu de silhouettes évoquant le théâtre d’ombres chinois, Cai saisit les contours du corps du modèle et ceux de végétaux locaux. D’autres figures (la flore, l’architecture et les paysages locaux…) sont esquissées sur le vif sur du carton gris afin d’être découpées par des volontaires pour servir de patrons. Une vingtaine d’assistants, affairés ou à l’affût, participent au rituel, tout comme le public qui, par sa présence et son énergie, prend part à la création de l’oeuvre. Il faut dire que le visuel est primordial dans les prestations orchestrées par Cai. Tout semble à la fois calculé et imprévisible. L’atmosphère qui s’en dégage, la mise en scène chorégraphiée, l’implication du modèle et des spectateurs nous renvoient de manière saisissante aux performances anthropométriques d’Yves Klein.
Déposé au sol, le dessin est en partie protégé à l’aide des patrons cartonnés et de papier glacé afin de recevoir différents types de poudre noire dont la granulométrie et les propriétés chimiques attaqueront différemment le papier. L’artiste retravaille alors ces figures avec ce mélange explosif fait de salpêtre, de soufre et de charbon de bois. Peu à peu le dessin est rigoureusement recouvert d’une succession de couches de matériaux d’emballage (papier de calligraphie chinoise, kraft, carton…). Des briques sont ensuite disposées par dessus de façon à exercer une pression localisée et ainsi contrôler l’intensité de l’embrasement. L’allumage des mèches déclenche alors une série de détonations qui ne durent que quelques secondes mais dont l’intensité générée est énorme. La combustion file sous le carton, une fumée blanchâtre s’en dégage. La mise à feu par son bruit, son éclat, son odeur, impressionne. Elle donne le sentiment d’assister à un grand événement. Puis l’oeuvre se découvre, laissant apparaître des traces d’instants figés dans un mouvement vital.
Restituant le souffle de l’explosion, l’oeuvre est faite de petits mystères, de palimpsestes, d’écritures, d’esquisses, d’empreintes végétales ou humaines. Le contact du feu sur le papier donne naissance à des empreintes spectrales. Sur un fond laissé brut, la combustion forme une aura brûlante et fertile.
Ce résidu palpable et volatil exprime à merveille la présence avant l’absence, concept cher à Yves Klein dans ses Anthropométries. Image durable et spontanée émanant d’une énergie vitale, les dessins à la poudre noire décrivent comme l’énonçait Yves Klein des « états-moments » de la chair, du feu et de la nature. On pourrait d’ailleurs rapprocher les dessins de Cai où le végétal joue un rôle prépondérant des Cosmogonies d’Yves Klein qui, avec les empreintes de pluie et de vent sur le papier, subliment la force créatrice de la nature. Klein, dans sa quête d’absolu, a été un peintre du feu. Réalisant des empreintes de feu sur papier ou carton (Peinture de feu sans titre (F55), 1961), Klein superpose également à l’action de la flamme celle de l’eau (Carte de Mars par l’eau et le feu (F83), 1961), puis y allie des empreintes de corps nus (Peinture de feu sans titre (F80), 1961), des traces d’or ou de peinture (Peinture feu couleur sans titre (EC6), ca, 1961) [4].
Cai et Klein ont en commun une influence de la peinture traditionnelle asiatique. Leurs oeuvres résultent d’un équilibre fragile entre le plein et le vide, l’ordre et le désordre, le maîtrisable et l’accidentel. Outre un séjour au Japon, ils partagent un certain art de la cérémonie et du rituel. Tous deux jouent littéralement avec le feu, avec sa signification culturelle et symbolique. Le feu, en tant que marqueur d’empreintes, les intéresse tout autant que son caractère spectaculaire et spirituel. En véritables démiurges, les artistes manipulent le souffle destructeur, transforment la matière, donnent naissance à un nouvel état. Créateur d’événement, élément primordial, le feu devient une arme maîtrisable. Pour la création de cette fresque, Cai l’alchimiste a manipulé une quinzaine de kilos de poudre noire dont le nom signifie littéralement en chinois « médecine par le feu ».
Présentée devant un parterre d’eau de plus de 130m², cette installation spectaculaire et poétique se présente comme un cyclorama donnant au spectateur l’impression d’immensité céleste et l’englobant au sein du processus artistique. Espace de projection donc et de contemplation. Proposition dans laquelle on s’immerge. L’eau et le feu, éléments primordiaux qui s’opposent et s’attirent mutuellement, créent une tension harmonieuse, symboles du Yin et du Yang. Invitant au recueillement et à l’ascension spirituelle, l’oeuvre qui a donné son titre à l’exposition nous guide peu à peu vers une autre exploration.
Reflection – A Gift from Iwaki (2004)
Reflection – A Gift from Iwaki (2004) symbolise avec force la beauté de l’échange. Après une exposition en 1994 au Musée des Beaux-arts d’Iwaki et la réalisation de The Horizon from the Pan-Pacific : Project for Extraterrestrials n°14, Cai matérialise avec cette oeuvre les liens affectifs qui l’unissent à cette ville portuaire. Ce bateau s’est échoué sur les plages d’Iwaki au Japon. Sortie des sables en 2004 par sept volontaires japonais, puis reconstituée par la même équipe et la main d’oeuvre locale pour chaque exposition, l’épave d’environ 21 tonnes a été présentée à la National Gallery à Ottawa du Canada, aux musées Guggenheim de New York et de Bilbao, puis au musée des Beaux-arts de Taipei avant de s’amarrer à Nice grâce au prêt généreux de son propriétaire. Cette gigantesque épave de 15 mètres de long nous transporte dans un voyage initiatique.
Faite de trois types de bois (le chêne, le cèdre japonais et le Zelkova), elle est emplie de porcelaine brisée provenant du comté de Dehua, un des principaux lieux de production de céramique de la province de Fujian, d’où l’artiste est originaire. Ces Blancs de Chine, reconnaissables à leur aspect onctueux, font référence à l’âge d’or de la porcelaine chinoise sous la dynastie des Ming (XIV-XVIIème siècles). Certains fragments représentent la divinité bouddhiste Bodhisattva Guanyin. Datant d’une centaine d’années, l’épave nous invite à un périple historique. Marquée par le temps qui passe, elle évoque les échanges de marchandises, la transmission des idées mais aussi l’effondrement d’un certain nombre de valeurs. Vestige d’un temps révolu, cette archéologie marine nous rappelle que de nombreuses embarcations en bois ont été abandonnées ici, dans la ville portuaire d’Iwaki, au profit de navires nouveaux. Reflection - A Gift from Iwaki (2004) témoigne de la frénésie moderne. Les restes du bateau, les statuettes morcelées décrivent le déclin du sacré et l’uniformisation de notre société. A cela, s’ajoute la thématique hautement symbolique de la barque et de l’eau, lieu de passage, de traversée. La divinité évoquée est d’ailleurs réputée pour ses qualités d’intercesseur. Cette pérégrination vers l’inconnu, vers l’au-delà, nous mène vers une explosion de mille feux. Le son, la lumière, le mouvement attirent peu à peu notre attention vers un spectacle cosmique.
Explosions Projects
Cinq vidéo, projetées chacune sur une feuille de papier Japon de 4 x 3 mètres montée sur châssis, offrent un aperçu du travail pyrotechnique de Cai, immergeant le spectateur au sein de cette oeuvre résolument spectaculaire et grandiose. Véritables oeuvres éphémères, sur ces cinq vidéo, deux rendent compte de la réalisation de dessins à la poudre à canon alors que les trois autres donnent à voir des événements pyrotechniques à l’échelle de l’univers.
Les feux d’artifice pour la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Pékin en 2008 ont nécessité une profusion époustouflante de moyens. Vue par des centaines de millions de personnes, cette mise en scène spectaculaire exprime parfaitement l’énergie et la force inhérentes au dépassement de soi. Composés en différents tableaux partant à la conquête de l’espace, le foisonnement de ces feux d’artifice assoit l’importance de l’événement. Pour cette 29ème édition, Footprints of History a déclenché une série de 29 empreintes de pied qui ont traversé le ciel de Pékin de la place Tian'anmen jusqu’au stade olympique où les explosions se sont déchaînées dans une apothéose exceptionnelle reliant l’humanité à l’univers. Qui mieux que Cai Guo-Qiang, parmi les artistes chinois, pouvait exprimer l’esprit de la flamme olympique ? Sur une autre projection, une fumée noirâtre apparaît comme une ponctuation poétique dans l’espace (Black Fireworks, Project for Hiroshima, 2008). D’autres restituent le dialogue que Cai a entrepris avec les extraterrestres depuis 1990. Project to Extend the Great Wall of China by 10,000 Meters : Project for Extraterrestrials n°10 (1993), par exemple, prolonge durant une quinzaine de minutes l’extrémité ouest de la Muraille de Chine située dans le désert de Gobi par un mur de feu. Réalisé sur une base militaire, Fetus Movement II : Project for Extraterrestrials n°9 (1992) ressemble vu du ciel à une planète aplatie. Au sol, trois cercles concentriques et huit rayons transversaux d’explosifs encerclent l’artiste, assis au centre de l’installation sur un îlot. Lors de l’explosion alliant la terre, l’eau, le feu et la race humaine, les mouvements de la terre ainsi que le rythme cardiaque et cérébral de l’artiste sont enregistrés [5].
Les performances pyrotechniques de Cai Guo-Qiang nécessitent une infrastructure colossale à l’image des installations, elles aussi éphémères, de Christo et Jeanne-Claude. A la tombée de la nuit, Cai Guo-Qiang, tel un magicien, met en scène de somptueux ballets chorégraphiques. Il utilise plusieurs dispositifs pyrotechniques, chacun produisant un effet différent. Leur couleur, leur forme et leur rythme donnent naissance à un paysage de feu coloré. Les thématiques du big-bang, du trou noir, de l’arc-en-ciel, des planètes mais aussi du champignon atomique et du dragon y sont récurrentes. Cai joue de l’ambivalence de la symbolique du feu. A la fois purificateur et destructeur, symbole du cosmos, le feu exprime la puissance, la verticalité (entre le haut et le bas, la terre et le ciel), la transcendance, l’ascension spirituelle et immatérielle.
Face à cette oeuvre en rapport direct avec l’univers, les fulgurances d’Yves Klein nous reviennent à l’esprit : l’aventure monochrome, le lâcher de 1001 ballons bleus devant la Galerie Iris Clert en 1957 [6], les Zones de sensibilité immatérielle, l’installation de feu réalisée lors de son exposition au musée de Krefled [7], les Cosmogonies, l’expérience du Vide [8].
Cai Guo-Qiang et Yves Klein ont en commun cette volonté de capter « l’énergie fondamentale de l’univers » [9]. Basées sur les principes du Feng shui et du qi [10], les oeuvres de Cai font resurgir une émotion primordiale. Véritables oeuvres de l’instant, elles cherchent à créer un moment d’harmonie vital, brisent de manière éphémère la limite entre l’homme, l’espace et le temps. Actives et unificatrices (aussi bien dans l’acte de création que de contemplation), elles parlent de l’organisation du monde, de la genèse. Chez Cai comme chez Klein, l’oeuvre exprime un phénomène en formation qui doit nous submerger. La redécouverte de cet ordre naissant engage les éléments fondamentaux qui sont à l’origine de l’univers. C’est sur ces phases primordiales, au nombre de quatre en Occident (le feu, la terre, l’eau et l’air) et de cinq dans la culture chinoise (le bois, le métal, l’eau, le feu et la terre) que leurs oeuvres se construisent. Les dessins à la poudre noire présentés devant un parterre d’eau, l’épave de bois chargée de porcelaine brisée, les feux d’artifice métalliques reliant la Terre à l’univers, tous, évoquent la thématique de la traversée, du voyage initiatique. Ensemble, ils créent une circulation de sens, un passage, une voie vers un état originel et extatique incluant à la fois la notion de dépassement et de retour sur soi.
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[1] Sur le choix du lieu de la performance : cf. Dossier de presse de l’exposition.
[2] Travels in the Mediterranean, 2010 - Poudre noire sur papier Japon - 32x3 m - Collection de l’artiste.
[3] Le premier jour est destiné au travail graphique, le second, à la mise à feu des dessins.
[4] Les recherches plastiques de Cai comme celles de Klein sont liées à la couleur. Cai n’utilise pourtant pas de pigments. Les nuances sont rendues par la manipulation et la combustion des différentes poudres.
[5] A l’aide respectivement d’un sismographe, d’un électrocardiogramme et d’un électro-encéphalogramme.
[6] Yves Klein, Propositions monochromes, 1957, Galerie Iris Clert, Paris, France.
[7] Yves Klein, Monochrome + Feuer, 1961, Musée Haus Lange, Krefled, Allemagne. L’installation se compose d’une armature de 50 becs Bunsen et d’un feu de Bengale de trois mètres de haut.
[8] La spécialisation de la sensibilité à l’état matière première en sensibilité picturale stabilisée, Le Vide (époque pneumatique), Galerie Iris Clert, Paris, 1958.
[9] Cai Guo-Qiang, entretien avec Jérôme Sana, in cat. Cai Guo-Qiang, Une histoire arbitraire, MAC, Lyon, 2001, p.45.
[10] Le Feng shui est l’art d’harmoniser l’énergie d’un lieu. Le concept du qi exprime cette énergie interne à toute chose.
in Cai Guo-Qiang, Travel in the Mediterranean, cat. MAMAC, Nice / Cudemo, Bordighera, 2010.
Le Musée d’Art moderne et d’Art contemporain présente du 12 juin 2010 au 9 janvier 2011 une exposition de l’artiste Cai Guo-Qiang. Né à Quanzhou en Chine en 1957, l’artiste grandit sous la Révolution culturelle avant de séjourner dix ans au Japon et de s'installer définitivement à New York en 1995. Lion d'or de la Biennale de Venise en 1999, il se fait connaître auprès du grand public avec la cérémonie d’ouverture et de clôture des Jeux Olympiques de Pékin en 2008. L’exposition I Want to Believe présentée au Guggenheim Museum de New York en 2008 puis à Bilbao en 2009 atteint un record d’audience. Après deux expositions remarquables en France à la Fondation Cartier à Paris en 2000 et au MAC de Lyon en 2001, sans compter sa participation en 2003 à Alors la Chine ? au Centre Georges Pompidou, la proposition du Mamac met en évidence les relations existantes entre son travail et celui du niçois Yves Klein, figure tutélaire de la scène artistique des années 1950-1960.
Inspirées à la fois de la philosophie chinoise et de la culture occidentale, les installations de Cai Guo-Qiang mettent en scène les rapports entre l’Extrême-Orient et l’Occident, entre l’Homme et l’Univers. Bien loin de révéler leurs dichotomies, Cai explore les liens qui les unissent. Son oeuvre, aux antipodes du stéréotype de l’artiste chinois ‘’authentique’’, se lit comme la réponse d’un expatrié face à un environnement de plus en plus globalisé et auquel nous sommes tous confrontés. Influencé par la peinture et la médecine traditionnelles chinoises, Cai parle de son histoire, de sa relation à son pays natal. Le métissage, le syncrétisme et le rapport à l’autre caractérisent sa démarche. Rent Collection Courtyard ou Head on évoquent de l’effondrement des idéologies du XXème siècle quand les Explosion Projects débordent d’universalité. Face à cette oeuvre à la fois culturelle et universelle se pose la question de son interprétation.
C’est pourquoi l’analyse d’Akira Tatehata, auteur japonais, commissaire d’exposition indépendant et directeur du National Museum of Art d’Osaka, éclairera d’un regard différent les oeuvres présentées au musée et restituées dans ce catalogue. Envisagé comme un carnet de bord retraçant l’accrochage de l’exposition et la réalisation de la performance, cet ouvrage souhaite coller au plus près de la démarche de l’artiste qui considère la genèse du projet et son résultat comme une seule entité.
Travels in the Mediterranean parle de la rencontre entre une oeuvre et un lieu. L’exposition résulte d’une expérience territoriale et humaine, impliquant la population et la main-d’oeuvre niçoise ainsi que des intervenants chinois et japonais. Née de cette collaboration, de cet échange, elle s’adapte à l’architecture qui l’accueille et entre en résonance avec le travail d’Yves Klein à qui une salle des collections permanentes est dédiée.
Cai développe une oeuvre résolument contextuelle nécessitant souvent la collaboration d’un tiers : des volontaires d’Iwaki (Japon) pour le montage de Reflection – A Gift from Iwaki (2004), une étudiante shanghaïenne pour la création du dessin Travels in the Mediterranean (2010). Chaque oeuvre a son histoire et ses acteurs. Elle se développe à partir d’un site spécifique et en rapport avec lui. Toute nouvelle présentation est en quelque sorte une réactivation qui nécessite la complicité de la population locale. La performance dans les anciens Abattoirs municipaux tout comme le montage du bateau de pêche et la réalisation des feux d’artifice -présents dans l’exposition au travers des projections vidéo- ont concentré l’effort d’étudiants, de professionnels locaux et nationaux venant d’horizons différents. Tous, que nous souhaitons remercier ici, ont permis cette ‘contextualisation’. Cette synergie, ce besoin de travail communautaire est induit par l’oeuvre de Cai. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Cai a réalisé les dessins, présentés dans l’exposition, à Nice et plus particulièrement dans un lieu chargé d’histoire en phase de devenir un « pôle dédié à la création et au débat d'idées contemporains » [1].
Soucieux du regard du spectateur, Cai appréhende l’exposition dans sa totalité. Tel un metteur en scène, il a dès sa première visite au Mamac repensé l’espace d’exposition en exploitant au maximum son potentiel spatial. Les passerelles sont réaménagées afin d’accueillir des dessins préparatoires invitant au travail suivant. Elles retrouvent ainsi leur fonction première : créer un moyen de communication fluide et circulaire entre les salles d’exposition. Cai a souhaité suggérer cette propriété enveloppante par l’absence de cloisons centrales. Chaque espace est perçu d’un seul coup d’oeil, englobant le spectateur au sein même de l’installation.
Les dessins à la poudre noire, l’épave emplie de céramique et les projections vidéo d’événements pyrotechniques nous invitent à une expérience spirituelle et sensorielle. Le voyage débute par un dialogue entre la Méditerranée et la Chine au travers de dessins de feu, pour nous emmener au large d’Iwaki au Japon où une gigantesque épave a été excavée des sables, avant de nous propulser dans l’immensité de l’univers. Autour : des dessins préparatoires, des reportages vidéo et une biographie illustrée confèrent à cette scénographie une dimension didactique.
Travels in the Mediterranean (2010)
Dans la première salle, un mur incurvé accueille des dessins monumentaux réalisés sur huit feuilles de papier Japon d’environ quatre mètres par trois. Ensemble, ils forment une composition de 32 mètres de long [2]. Réalisés lors d’une performance les lundi 7 et mardi 8 juin 2010 [3] dans les anciens Abattoirs de Nice avec la collaboration du Chantier Sang Neuf, ces dessins retracent le ressenti d’une jeune étudiante face à la découverte du territoire azuréen. L’artiste a invité Yuting Zhang, une élève de l’Ecole de théâtre de Shanghai où il a lui-même été formé, à l’accompagner lors de son séjour sur la Côte d’Azur. Son impression sur ce voyage guidera la main de l’artiste. Un dialogue s’initie alors entre Cai et Zhang.
D’abord le dessin, figuratif et abstrait, introduit un travail au fusain fait d’ombres portées et d’esquisses où des sujets naturels et cosmiques côtoient des figures féminines. Par un jeu de silhouettes évoquant le théâtre d’ombres chinois, Cai saisit les contours du corps du modèle et ceux de végétaux locaux. D’autres figures (la flore, l’architecture et les paysages locaux…) sont esquissées sur le vif sur du carton gris afin d’être découpées par des volontaires pour servir de patrons. Une vingtaine d’assistants, affairés ou à l’affût, participent au rituel, tout comme le public qui, par sa présence et son énergie, prend part à la création de l’oeuvre. Il faut dire que le visuel est primordial dans les prestations orchestrées par Cai. Tout semble à la fois calculé et imprévisible. L’atmosphère qui s’en dégage, la mise en scène chorégraphiée, l’implication du modèle et des spectateurs nous renvoient de manière saisissante aux performances anthropométriques d’Yves Klein.
Déposé au sol, le dessin est en partie protégé à l’aide des patrons cartonnés et de papier glacé afin de recevoir différents types de poudre noire dont la granulométrie et les propriétés chimiques attaqueront différemment le papier. L’artiste retravaille alors ces figures avec ce mélange explosif fait de salpêtre, de soufre et de charbon de bois. Peu à peu le dessin est rigoureusement recouvert d’une succession de couches de matériaux d’emballage (papier de calligraphie chinoise, kraft, carton…). Des briques sont ensuite disposées par dessus de façon à exercer une pression localisée et ainsi contrôler l’intensité de l’embrasement. L’allumage des mèches déclenche alors une série de détonations qui ne durent que quelques secondes mais dont l’intensité générée est énorme. La combustion file sous le carton, une fumée blanchâtre s’en dégage. La mise à feu par son bruit, son éclat, son odeur, impressionne. Elle donne le sentiment d’assister à un grand événement. Puis l’oeuvre se découvre, laissant apparaître des traces d’instants figés dans un mouvement vital.
Restituant le souffle de l’explosion, l’oeuvre est faite de petits mystères, de palimpsestes, d’écritures, d’esquisses, d’empreintes végétales ou humaines. Le contact du feu sur le papier donne naissance à des empreintes spectrales. Sur un fond laissé brut, la combustion forme une aura brûlante et fertile.
Ce résidu palpable et volatil exprime à merveille la présence avant l’absence, concept cher à Yves Klein dans ses Anthropométries. Image durable et spontanée émanant d’une énergie vitale, les dessins à la poudre noire décrivent comme l’énonçait Yves Klein des « états-moments » de la chair, du feu et de la nature. On pourrait d’ailleurs rapprocher les dessins de Cai où le végétal joue un rôle prépondérant des Cosmogonies d’Yves Klein qui, avec les empreintes de pluie et de vent sur le papier, subliment la force créatrice de la nature. Klein, dans sa quête d’absolu, a été un peintre du feu. Réalisant des empreintes de feu sur papier ou carton (Peinture de feu sans titre (F55), 1961), Klein superpose également à l’action de la flamme celle de l’eau (Carte de Mars par l’eau et le feu (F83), 1961), puis y allie des empreintes de corps nus (Peinture de feu sans titre (F80), 1961), des traces d’or ou de peinture (Peinture feu couleur sans titre (EC6), ca, 1961) [4].
Cai et Klein ont en commun une influence de la peinture traditionnelle asiatique. Leurs oeuvres résultent d’un équilibre fragile entre le plein et le vide, l’ordre et le désordre, le maîtrisable et l’accidentel. Outre un séjour au Japon, ils partagent un certain art de la cérémonie et du rituel. Tous deux jouent littéralement avec le feu, avec sa signification culturelle et symbolique. Le feu, en tant que marqueur d’empreintes, les intéresse tout autant que son caractère spectaculaire et spirituel. En véritables démiurges, les artistes manipulent le souffle destructeur, transforment la matière, donnent naissance à un nouvel état. Créateur d’événement, élément primordial, le feu devient une arme maîtrisable. Pour la création de cette fresque, Cai l’alchimiste a manipulé une quinzaine de kilos de poudre noire dont le nom signifie littéralement en chinois « médecine par le feu ».
Présentée devant un parterre d’eau de plus de 130m², cette installation spectaculaire et poétique se présente comme un cyclorama donnant au spectateur l’impression d’immensité céleste et l’englobant au sein du processus artistique. Espace de projection donc et de contemplation. Proposition dans laquelle on s’immerge. L’eau et le feu, éléments primordiaux qui s’opposent et s’attirent mutuellement, créent une tension harmonieuse, symboles du Yin et du Yang. Invitant au recueillement et à l’ascension spirituelle, l’oeuvre qui a donné son titre à l’exposition nous guide peu à peu vers une autre exploration.
Reflection – A Gift from Iwaki (2004)
Reflection – A Gift from Iwaki (2004) symbolise avec force la beauté de l’échange. Après une exposition en 1994 au Musée des Beaux-arts d’Iwaki et la réalisation de The Horizon from the Pan-Pacific : Project for Extraterrestrials n°14, Cai matérialise avec cette oeuvre les liens affectifs qui l’unissent à cette ville portuaire. Ce bateau s’est échoué sur les plages d’Iwaki au Japon. Sortie des sables en 2004 par sept volontaires japonais, puis reconstituée par la même équipe et la main d’oeuvre locale pour chaque exposition, l’épave d’environ 21 tonnes a été présentée à la National Gallery à Ottawa du Canada, aux musées Guggenheim de New York et de Bilbao, puis au musée des Beaux-arts de Taipei avant de s’amarrer à Nice grâce au prêt généreux de son propriétaire. Cette gigantesque épave de 15 mètres de long nous transporte dans un voyage initiatique.
Faite de trois types de bois (le chêne, le cèdre japonais et le Zelkova), elle est emplie de porcelaine brisée provenant du comté de Dehua, un des principaux lieux de production de céramique de la province de Fujian, d’où l’artiste est originaire. Ces Blancs de Chine, reconnaissables à leur aspect onctueux, font référence à l’âge d’or de la porcelaine chinoise sous la dynastie des Ming (XIV-XVIIème siècles). Certains fragments représentent la divinité bouddhiste Bodhisattva Guanyin. Datant d’une centaine d’années, l’épave nous invite à un périple historique. Marquée par le temps qui passe, elle évoque les échanges de marchandises, la transmission des idées mais aussi l’effondrement d’un certain nombre de valeurs. Vestige d’un temps révolu, cette archéologie marine nous rappelle que de nombreuses embarcations en bois ont été abandonnées ici, dans la ville portuaire d’Iwaki, au profit de navires nouveaux. Reflection - A Gift from Iwaki (2004) témoigne de la frénésie moderne. Les restes du bateau, les statuettes morcelées décrivent le déclin du sacré et l’uniformisation de notre société. A cela, s’ajoute la thématique hautement symbolique de la barque et de l’eau, lieu de passage, de traversée. La divinité évoquée est d’ailleurs réputée pour ses qualités d’intercesseur. Cette pérégrination vers l’inconnu, vers l’au-delà, nous mène vers une explosion de mille feux. Le son, la lumière, le mouvement attirent peu à peu notre attention vers un spectacle cosmique.
Explosions Projects
Cinq vidéo, projetées chacune sur une feuille de papier Japon de 4 x 3 mètres montée sur châssis, offrent un aperçu du travail pyrotechnique de Cai, immergeant le spectateur au sein de cette oeuvre résolument spectaculaire et grandiose. Véritables oeuvres éphémères, sur ces cinq vidéo, deux rendent compte de la réalisation de dessins à la poudre à canon alors que les trois autres donnent à voir des événements pyrotechniques à l’échelle de l’univers.
Les feux d’artifice pour la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Pékin en 2008 ont nécessité une profusion époustouflante de moyens. Vue par des centaines de millions de personnes, cette mise en scène spectaculaire exprime parfaitement l’énergie et la force inhérentes au dépassement de soi. Composés en différents tableaux partant à la conquête de l’espace, le foisonnement de ces feux d’artifice assoit l’importance de l’événement. Pour cette 29ème édition, Footprints of History a déclenché une série de 29 empreintes de pied qui ont traversé le ciel de Pékin de la place Tian'anmen jusqu’au stade olympique où les explosions se sont déchaînées dans une apothéose exceptionnelle reliant l’humanité à l’univers. Qui mieux que Cai Guo-Qiang, parmi les artistes chinois, pouvait exprimer l’esprit de la flamme olympique ? Sur une autre projection, une fumée noirâtre apparaît comme une ponctuation poétique dans l’espace (Black Fireworks, Project for Hiroshima, 2008). D’autres restituent le dialogue que Cai a entrepris avec les extraterrestres depuis 1990. Project to Extend the Great Wall of China by 10,000 Meters : Project for Extraterrestrials n°10 (1993), par exemple, prolonge durant une quinzaine de minutes l’extrémité ouest de la Muraille de Chine située dans le désert de Gobi par un mur de feu. Réalisé sur une base militaire, Fetus Movement II : Project for Extraterrestrials n°9 (1992) ressemble vu du ciel à une planète aplatie. Au sol, trois cercles concentriques et huit rayons transversaux d’explosifs encerclent l’artiste, assis au centre de l’installation sur un îlot. Lors de l’explosion alliant la terre, l’eau, le feu et la race humaine, les mouvements de la terre ainsi que le rythme cardiaque et cérébral de l’artiste sont enregistrés [5].
Les performances pyrotechniques de Cai Guo-Qiang nécessitent une infrastructure colossale à l’image des installations, elles aussi éphémères, de Christo et Jeanne-Claude. A la tombée de la nuit, Cai Guo-Qiang, tel un magicien, met en scène de somptueux ballets chorégraphiques. Il utilise plusieurs dispositifs pyrotechniques, chacun produisant un effet différent. Leur couleur, leur forme et leur rythme donnent naissance à un paysage de feu coloré. Les thématiques du big-bang, du trou noir, de l’arc-en-ciel, des planètes mais aussi du champignon atomique et du dragon y sont récurrentes. Cai joue de l’ambivalence de la symbolique du feu. A la fois purificateur et destructeur, symbole du cosmos, le feu exprime la puissance, la verticalité (entre le haut et le bas, la terre et le ciel), la transcendance, l’ascension spirituelle et immatérielle.
Face à cette oeuvre en rapport direct avec l’univers, les fulgurances d’Yves Klein nous reviennent à l’esprit : l’aventure monochrome, le lâcher de 1001 ballons bleus devant la Galerie Iris Clert en 1957 [6], les Zones de sensibilité immatérielle, l’installation de feu réalisée lors de son exposition au musée de Krefled [7], les Cosmogonies, l’expérience du Vide [8].
Cai Guo-Qiang et Yves Klein ont en commun cette volonté de capter « l’énergie fondamentale de l’univers » [9]. Basées sur les principes du Feng shui et du qi [10], les oeuvres de Cai font resurgir une émotion primordiale. Véritables oeuvres de l’instant, elles cherchent à créer un moment d’harmonie vital, brisent de manière éphémère la limite entre l’homme, l’espace et le temps. Actives et unificatrices (aussi bien dans l’acte de création que de contemplation), elles parlent de l’organisation du monde, de la genèse. Chez Cai comme chez Klein, l’oeuvre exprime un phénomène en formation qui doit nous submerger. La redécouverte de cet ordre naissant engage les éléments fondamentaux qui sont à l’origine de l’univers. C’est sur ces phases primordiales, au nombre de quatre en Occident (le feu, la terre, l’eau et l’air) et de cinq dans la culture chinoise (le bois, le métal, l’eau, le feu et la terre) que leurs oeuvres se construisent. Les dessins à la poudre noire présentés devant un parterre d’eau, l’épave de bois chargée de porcelaine brisée, les feux d’artifice métalliques reliant la Terre à l’univers, tous, évoquent la thématique de la traversée, du voyage initiatique. Ensemble, ils créent une circulation de sens, un passage, une voie vers un état originel et extatique incluant à la fois la notion de dépassement et de retour sur soi.
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[1] Sur le choix du lieu de la performance : cf. Dossier de presse de l’exposition.
[2] Travels in the Mediterranean, 2010 - Poudre noire sur papier Japon - 32x3 m - Collection de l’artiste.
[3] Le premier jour est destiné au travail graphique, le second, à la mise à feu des dessins.
[4] Les recherches plastiques de Cai comme celles de Klein sont liées à la couleur. Cai n’utilise pourtant pas de pigments. Les nuances sont rendues par la manipulation et la combustion des différentes poudres.
[5] A l’aide respectivement d’un sismographe, d’un électrocardiogramme et d’un électro-encéphalogramme.
[6] Yves Klein, Propositions monochromes, 1957, Galerie Iris Clert, Paris, France.
[7] Yves Klein, Monochrome + Feuer, 1961, Musée Haus Lange, Krefled, Allemagne. L’installation se compose d’une armature de 50 becs Bunsen et d’un feu de Bengale de trois mètres de haut.
[8] La spécialisation de la sensibilité à l’état matière première en sensibilité picturale stabilisée, Le Vide (époque pneumatique), Galerie Iris Clert, Paris, 1958.
[9] Cai Guo-Qiang, entretien avec Jérôme Sana, in cat. Cai Guo-Qiang, Une histoire arbitraire, MAC, Lyon, 2001, p.45.
[10] Le Feng shui est l’art d’harmoniser l’énergie d’un lieu. Le concept du qi exprime cette énergie interne à toute chose.