« Bonjour, Monsieur Matisse (ou La Rencontre) » [en collaboration avec Gilbert Perlein]
in Bonjour, Monsieur Matisse ! Rencontre(s), cat. MAMAC, Nice / Flammarion, Paris, 2013
« Bonjour, Monsieur Matisse (ou La Rencontre) »pourrait être le titre de chacune des oeuvres présentées dans l’exposition, tant celles-ci s’adressent sans ambages au peintre français. Chef de file du fauvisme, précurseur de l’art moderne et de la couleur délivrée avec les papiers découpés, Henri Matisse (Le Cateau-Cambrésis, 1869 – Nice, 1954) est sans conteste l’un des repères du XXe siècle aux côtés de Pablo Picasso et Marcel Duchamp. Après avoir multiplié les innovations plastiques, le peintre de la modernité est rapidement devenu une figure historique ; en attestent les expositions et les publications qui lui sont consacrées. La large diffusion de ses oeuvres sous forme de reproductions et de posters s’immisce chaque jour un peu plus dans l’art et dans nos vies jusqu’à constituer un fonds visuel partagé, connu de tous. Or, peu d’expositions ont été dédiées à sa
postérité, renforçant l’idée qu’il est désormais une figure du passé. « Ils ont regardé Matisse », présentée au musée du Cateau-Cambrésis en 2009, analysait la réception du peintre dans l’art abstrait américain et européen d’après guerre [1]. Dans une autre trajectoire, le MAMAC réunit un panel d’appropriations de cette oeuvre dans un corpus cette fois figuratif allant des années 1960 jusqu’à aujourd’hui. Dans la profusion visuelle ambiante, beaucoup d’artistes regardent l’oeuvre du maître parmi tant d’autres sources qu’il est difficile d’y déceler une réelle filiation. Le MAMAC a fait le choix de s’interroger sur la survivance de l’iconographie matissienne en privilégiant la citation directe de ses tableaux. L’inspiration difficilement quantifiable laisse place aux reprises
formelles, explicites et revendiquées. Sous cet angle d’approche, l’oeuvre de Matisse se révèle être à la fois un héritage et un vivier créatif incontournables. Ce ferment fondamentalement ambigu et inextricable, tant il est lié à la création, est éminemment prolifique. Il est l’une des sources majeures et nautonières du XXe siècle et du XXIe qui se dévoile pleinement dans l’art de l’appropriation. Du détournement ironique à l’hommage en passant par la mise en valeur d’apports plastiques concrets, l’exposition du MAMAC invite à un voyage dans le temps de la peinture.
Matisse : une icône populaire ?
On pourrait croire qu’à l’orée des années 1960 peu d’artistes s’emparent de cette figure tutélaire, que l’heure est davantage à la ruine des derniers avatars du modernisme, or il est surprenant de constater que les artistes tournés vers la société de consommation regardent abondamment Matisse qui apparaît comme une figure sacrée et accessible à tous.
Un objet de consommation comme un autre ?
Le pop art américain s’approprie volontiers cette icône facilement identifiable. Certes, « the Pope of the Pop », Andy Warhol lui-même, ne reprend qu’une fois, à notre connaissance, une figure d’Henri Matisse dans une série consacrée aux oeuvres d’art célèbres, mais nombre de ces artistes revisitent copieusement sa peinture. Dans ses Great American Nudes, Tom Wesselmann met à profit la thématique du tableau dans le tableau pour reléguer l’oeuvre de Matisse au rang de poster. Les assemblages où elle devient une affiche décorative collée en arrière-plan foisonnent et dressent une allégorie de la peinture. Les oeuvres et l’important fonds de dessins préparatoires présentés dans l’exposition témoignent de la pérennité de cette approche. Rejouant les variations chères à Matisse, Roy Lichtenstein réalise à partir de 1972 la série des Still Life with Goldfish déclinant l’iconographie et la composition du bocal à poisson. Les croquis sélectionnés pour l’exposition insistent tout particulièrement sur cette reprise aux côtés de quelques natures mortes et scènes d’intérieur. Signes d’une manifestation sans retenue à l’égard de Matisse, ils donneront tous lieu à des peintures à l’huile imitant la reproduction mécanique de la trame de la photogravure et de la bande dessinée, technique lisse et neutre qui a fait sa marque de fabrique. Grand admirateur de la peinture française et qui plus est maître en art de la citation, Larry Rivers rend hommage au peintre moderne plus tardivement, à partir des années 1990. On rencontre alors de nombreuses scènes en relief qui développent La
Danse ou mêlent les tableaux de Matisse à de splendides scènes d’atelier. Si, pour les artistes du pop art américain, Matisse peut être un objet de consommation comme un autre, à l’image des Campbell’s Soup pour Andy Warhol, la redondance de cette appropriation dépasse le simple plaisir citationnel. Elle témoigne d’une réelle fascination pour sa peinture. Au-delà des clins d'oeil faits à l’histoire de l’art, les thématiques développées (intérieurs, natures mortes, nus), l’absence d’objets de prédilection ou de hiérarchie dans le choix des sujets traités, la magnificence des couleurs pures, la stylisation des formes et l’aplatissement des surfaces, émanent de l’héritage matissien. En France, la situation semble de prime abord plus complexe. La réponse de Daniel Buren face à la peinture de Matisse est sans appel. Il la juge « petit-bourgeois », « banale, presque commerciale», « petite et même par le format [2] ».
Cette critique virulente vis-à-vis des modernes s’étend à une grande partie de la création de l’époque qui veut se détacher de cette « peinture de chevalet » pour conquérir le monde qui l’entoure. Toutefois, les rares emprunts de Niki de Saint Phalle et de quelques affichistes relèvent davantage de l’hommage que de l’acte de contestation.
Une image à pirater ou a mixer
En Europe, c’est par le Mec Art et la Nouvelle Figuration que la figure de Matisse se confronte à la culture consumériste et populaire. Une peinture de Valerio Adami assimile dans un style figuratif acéré une photographie de Brassaï prise en 1939 dans l’atelier du peintre, rue des Plantes à Paris. Matisse, assis, se perd dans son carnet à dessin. À l’instar d’une bande dessinée, l’oeuvre parodie
son amour pour les modèles par une métaphore à caractère sexuel humoristique. Chez Alain Jacquet, certaines oeuvres se trouvent contaminées par des motifs détournés, à l’image du Luxe I à la fois voilé et révélé par un camouflage militaire. Les références foisonnent dans la peinture pourtant séditieuse d’Erró. En 1969, Matisse Motor parasite cette fois le silence et la sérénité du Luxe
I par les moyens d’évasion modernes. Un moteur à explosion prend place de part et d’autre des figures alors qu’un avion de chasse américain raye la douceur du ciel. L’image de référence est soumise à un traitement d’aplatissement des surfaces, de stylisation des formes et des couleurs, quasi mécanique, mais résiste suffisamment pour être reconnaissable. Signe de vénération ou reprise
débridée, la présence de Matisse, loin d’être fortuite, trouve son origine dans une réelle filiation. Le syncrétisme à l'oeuvre dans les peintures fauves et dans les papiers découpés refait surface dans les mixages de cultures savante et populaire. La pratique du «copier/coller », l’imbrication des surfaces apparaissent dès lors comme des éléments rapportés de la peinture matissienne.
En mode intrusif
Dans une volonté de désacralisation provocante, parodique et paradoxalement révérencieuse, Matisse se voit peu à peu projeté dans des espaces-temps où on ne l’attendait pas. Ecce Pictura du poète et collagiste tchèque Jirí Kolár en est un bel exemple : sur l’image
imprimée d’un tableau classique peint par Claude Lorrain, il dispose dans le paysage La Musique de Matisse comme s’il avait tendu une toile de cinéma pour les personnages du tableau. Francesco Vezzoli associe la figure d’Olga Khokhlova, célèbre danseuse et première épouse de Pablo Picasso, à La Danse qui devient une auréole brodée, emblème de ses arts, puisque Olga pratiquait aussi
la couture. Les supports de communication réalisés par Martin Kippenberger en 1996 à l’occasion de son exposition au titre révélateur « L’Atelier Matisse sous-loué à Spiderman » à l’Atelier Soardi (Nice), confrontent de célèbres photographies du maître dessinant La
Danse, dans le lieu même où il est invité à exposer, à la figure du super-héros Spiderman rapiéçant son costume ou formant lui-même une danse. C’est aussi par des associations cocasses que Matisse fait irruption dans le quotidien de Loïc Le Pivert. Les 48 dessins réalisés pour l’exposition sont truffés de private jokes pour geeks faisant basculer cette figure historique dans des univers improbables et pourtant bien explicables. Par la technique du collage, Gérald Panighi associe des pin-up jouant du motif de La Gerbe avec
des fragments de phrases dactylographiées. Ces « téléportations »empruntées à la vision subjective des jeux vidéo réactualisent l’oeuvre de Matisse. Elles ouvrent de nouvelles perspectives qui démultiplient à outrance les champs de référence et d’interprétation tout en
soulevant un certain nombre de questions sur l’art et sur le monde. Qu’elles soient pop, New Wave ou postmodernes, ces représentations désacralisées offrent une nouvelle lecture de l'oeuvre de Matisse et des artistes qui s’en sont inspirés. Le pouvoir des images opère : une interaction se crée entre l’oeuvre référent et sa citation.
La voie décorative
Il ne faut pas oublier que le peintre moderne a considérablement influencé toute une génération d’artistes tournés vers les procédés ornementaux comme le pattern painting (pattern : patron, motif, ornement, échantillon). Ces ramifications prolifiques d’une
importance cruciale dans l’histoire de l’art s’expriment chez un grand nombre d’artistes engagés dans une déconstruction analytique de la peinture. Des artistes aussi différents que Claude Viallat, Pierre Buraglio, Louis Cane ou encore Christian Bonnefoi et Claude Rutault, dialoguent ainsi tout au long de leur pratique avec Henri Matisse. Plusieurs angles d’approche se dessinent et s’étendent jusqu’à aujourd’hui avec des artistes comme Christophe Cuzin, Patrice Carré ou Cynthia Lemesle & Jean-Philippe Roubaud. Dans un sillon figuratif, Jean-Michel Basquiat aux États-Unis, Robert Combas et Vincent Bioulès en France s’engagent dans la luxuriance des intérieurs matissiens.
Le motif, le papier découpé et le décoratif
Certains artistes font l’expérience du décoratif par un motif formant lui-même un tout. Claude Viallat [3] fait sien le motif de La
Vague. Une fois son système mis en place (la répétition d’une forme apposée à intervalles réguliers jusqu’à recouvrir la totalité du support), l’ombre de Matisse demeure latente : dans la profusion des couleurs, des entrelacs et des tissus ainsi que dans son intérêt pour les cultures primitives et folkloriques. Ces proximités s’affirment explicitement dans des oeuvres commeFenêtre à Tahiti (hommage à Matisse) ou Porte-fenêtre à Collioure. Dans un travail d’interprétation et de citation des repères de l’histoire de l’art, Louis Cane revient sur les papiers gouachés par des découpages dans la résine colorée. Tout un vocabulaire matissien, fait de coraux, de palmettes et
de treillages rappelant l’avatar du châssis, se combine à des réflexions sur la couleur et la surface.
Depuis 1974, Christian Bonnefoi [4] n’a cessé de travailler le quatuor Nus de dos développé par Matisse sur vingt et une années (de 1909 à 1930). Du bas-relief, il transfère son sujet dans le domaine du collage comme en écho aux papiers découpés du maître. Bonnefoi met à profit l’idée de la face habituellement cachée et silencieuse que représente le dos, en construisant son oeuvre sur le revers avant de la retourner pour la voir apparaître et revenir dessus au graphite. L’annulation des dualités dedans-dehors, endroit-envers, forme-fond qui construit l’ensemble de sa démarche résonne ainsi intensément avec celle d’Henri Matisse. Pierre Buraglio [5] entretient
également une relation profonde et fondatrice avec l’oeuvre du peintre moderne. Il retient (souvent par l’intermédiaire de Simon Hantaï) la distance et le silence qui se dégagent de ses tableaux, le bleu, la mise à plat, la découpe, la fenêtre… C’est en 1980 que Buraglio le cite directement dans une série d’études sur le Fauteuil rocaille vénitien qu’il a admiré quelques années auparavant au musée monographique de Nice. Les cinq variations qui déploient différentes techniques expriment magnifiquement les leçons
matissiennes de Buraglio.
Retenant tour à tour les potentialités offertes par les papiers découpés, la couleur délivrée, la profusion décorative, certains motifs
ornementaux (comme la vague, la fenêtre, l’arabesque) et la variation d’un thème jusqu’à son épuisement, l’oeuvre de ces artistes trouve son point d’ancrage dans la pratique du maître méditerranéen. Les réflexions sur la planéité et le caractère non illusionniste de la peinture, les rapports toujours renouvelés entre le fond et la forme, voilà encore des maillons qui relient ces artistes à Matisse.
L’imbrication des surfaces et du monde
L’agrégation des différents plans du tableau et des objets qui le composent en un tout inextricable est revisitée par les artistes qui conservent également ce mélange d’étrangeté et de joie de vivre qui se dégage des intérieurs matissiens. Dans une posture qui est proche des papiers découpés, Jean-Michel Basquiat place au crayon de couleur quelques figures du répertoire matissien : un bocal à poisson qu’il double comme une variation, la cathédrale Notre-Dame peinte par le maître depuis son atelier, quai Saint-Michel à Paris, ainsi qu’une tête de femme aux traits archaïques. Sur cet ex-voto est inscrit par trois fois « matisse » comme une invocation des plus
vibrante. L’ensemble de la peinture de Vincent Bioulès [6] renvoie sans conteste au peintre moderne. Dans La Sonate, il fait la synthèse de plusieurs tableaux de Matisse sur la musique.
L’aplatissement des surfaces, la saturation des couleurs, la confusion spatiale insistant sur la porosité des choses, de l’espace et du monde, sont autant d’apports matissiens que l’on retrouve également chez un artiste de la Figuration libre comme Robert Combas. La référence est moins évidente tant elle est digérée par l’artiste, mais elle est tout aussi généreuse. Il la titre Hommage à Matisse et à Maïté,
son modèle, comme s’il devait autant à l’un qu’à l’autre. L’odalisque est reléguée dans le coin supérieur droit du tableau comme une vignette de bande dessinée. L’idée matissienne d’une peinture appréhendée comme un tapis dans lequel s’enchevêtrent les motifs est menée à son paroxysme. Dans ses entrelacs, une danse rouge se profile. La joyeuse bacchanale sent les îles et rappelle le voyage de Matisse en Polynésie.
L’espace de la peinture
Intérieurs et scènes d’atelier constituent une source non négligeable pour qui veut s’emparer d’un décor à l’échelle de l’espace d’exposition. Engagés dans une interrogation sur les mécanismes et les conditions d’apparition de la peinture, Claude Rutault et Christophe Cuzin proposent une variation de L’Atelier rouge peint par Matisse en 1911. Claude Rutault dresse le relevé des toiles présentes dans le tableau (dimensions, emplacement, nature) et les réinjecte dans l’espace d’exposition [7]. L’installation amplifie le caractère spatial et temporel de la peinture dans le sens où elle est une actualisation conçue en fonction du lieu, qui peut être
réitérée selon le système de «Définition/Méthode » qu’il a mis en place dans les années 1970. La dimension ornementale de la peinture de Matisse s’affirme ici pleinement tout en conservant un rapport avec la planéité du médium. À partir des reproductions disponibles dans sa bibliothèque personnelle, Christophe Cuzin reprend, sur ordinateur et à partir de sa propre gamme de couleurs, les oeuvres
qui l’ont influencé durant ses études. Dans ce recensement généalogique, il n’est pas étonnant de retrouver L’Atelier rouge tant
la pratique in situ de Christophe Cuzin renoue avec la tradition décorative pour s’emparer des plafonds, des sols et des espaces résiduels, apportant un nouveau regard sur l’idéologie du « white cube ». L’Atelier rouge, qui intériorise toute la peinture du maître, trouve un écho dans la dissolution de la frontière entre la peinture et l’architecture.
On pourrait mentionner ici les accrochages très denses de Claude Viallat évoquant des tableaux comme L’Intérieur aux aubergines, ou
le dessin au fusain de Guillaume Pinard qui reproduit, à l’échelle de l’espace d’exposition, le premier tableau signé du maître, une nature morte très classique.
Le décor et le décoratif
D’autres artistes interrogent les enjeux décoratifs de l’oeuvre de Matisse via le pattern painting et Supports-Surfaces. En témoignent les techniques artisanales, domestiques ou populaires qu’ils mettent en oeuvre. Patrice Carré reproduit les gouaches découpées, mais en adhésif et avec des patrons et des ciseaux crantés, d’ordinaire utilisés en couture. Le découpage en zigzags crée de légers décalages qui soulèvent de nombreuses questions sur l’original et sa copie avec un humour distant et des moyens ordinaires assez kitsch. L’artiste met en jeu la capacité de transformation des oeuvres d’art célèbres qui, par des parasitages et interférences, ouvrent sur de nouvelles interrogations. Cynthia Lemesle & Jean-Philippe Roubaud réalisent une installation composée d’un papier peint dont les motifs évoquent un entrelacs de figures matissiennes sur et devant lequel sont disposées une aquarelle, une sellette et une céramique emplie de coraux réalisés au crochet. Le décor entre en résonance avec les papiers découpés et les intérieurs matissiens où s’amalgament des représentations de tissus, d’objets et de tableaux. Là, un des pans du papier peint roule sur le sol et s’invite dans l’espace d’exposition comme pour rendre hommage à l’apport de Matisse dans les toiles libres de Supports-Surfaces.
Matisse comme poster
La posture citationnelle se mue parfois en un détournement postmoderne ou conceptuel qui met en jeu nos rapports à l’image dans une société de plus en plus virtuelle. Face à l’innovation constante, les artistes répondent avec des visuels existants plongeant le spectateur dans une zone d’incertitudes qui doit le pousser à s’interroger sur ce qu’il voit. Reprises et appropriations perturbent le principe de l’histoire de l’art tel qu’il s’est développé depuis Vasari ainsi que ses concepts d’originalité, d’autonomie et de signature. Matisse, icône tant populaire qu’emblématique de la modernité, devient un outil idéal.
Une image reproductible
La question de la reproductibilité technique des images devient centrale. Différentes générations détournent subtilement les oeuvres du maître pour problématiser cette notion. Sherrie Levine reprend, trait pour trait, dans une taille légèrement réduite, plusieurs portraits de Matisse à l’aquarelle. La copie, modèle d’apprentissage classique, élude le caractère original, unique et créatif de l’oeuvre d’art. L’artiste américaine amorce ainsi un court-circuit dans une société paradoxalement hantée, d’une part, par l’appropriation citationnelle et, d’autre part, par les notions de droits d’auteur et de piratage. Dérivée d’un scénario sur l’histoire fictive de l’artiste Jason James,
la série Crocodile Tears de Douglas Huebler met en relation différentes sources dont des reproductions matissiennes qui questionnent avec humour et poésie le positionnement de l’art et des nouveaux médias dans la société actuelle. L’original et la copie intéressent également l’artiste français Gilles Mahé. Avec désinvolture, il transforme, réinterprète l’image imprimée pour la faire sienne mais aussi pour lui donner une seconde vie et en faire un vecteur d’échange. Dans cette logique, il reprend plusieurs reproductions photocopiées de Matisse à la gouache. Par des photogrammes non révélés des vitraux de la chapelle du Rosaire, Isabelle Giovacchini travaille l’évanescence et l’épiphanie des images. Vik Muniz s’attache lui aussi à réinterpréter les mécanismes de la représentation. Il
réalise des photographies de peintures de Matisse reprises aux pigments de couleur. Ces images tendent à modifier notre perception des tableaux illustres en insistant sur leur caractère illusionniste et sensuel –et quoi de plus voluptueux que le pigment de couleur, essence même de la peinture ?
Puissance iconique et mémoire visuelle
Le détournement subtil des oeuvres phares de Matisse mettent à l’épreuve leur prégnance visuelle et identitaire. Dans une démarche pluridisciplinaire axée sur la mise en relation d’images et de mots, John Baldessari met en exergue la nature intrinsèquement équivoque des images. L’artiste reporte sur toile plusieurs impressions photographiques d’oeuvres de Matisse qu’il confronte à des inscriptions peintes à la main, créant des associations de sens inédites. L’une présente le bocal à poisson combiné aux Campbell’s Soup de
Warhol tant par le traitement chromatique que par l’amalgame réalisé grâce à la légende associant le motif pop à l’image représentée. Une autre joint un pas de La Danse au chien futuriste de Giacomo Balla et pose l’équation sous forme de devinette : «
… and Matisse ». Une autre encore ne conserve de La Musique que deux paires de jambes associées à Dark City, film de science-fictiond’Alex Proyas explorant les notions d’identité et de mémoire. Sophie Matisse utilise les classiques de l’histoire de l’art en prenant
bien soin d’effacer les personnages des tableaux pour susciter notre mémoire visuelle. Quand elle s’attache aux peintures de son arrière-grand-père, comme dans La Conversation et La Leçon de piano, l’appropriation est d’autant plus intime et touchante. Par l’absence des figures familières, Sophie Matisse renvoie conversation et musique au silence de la peinture. Dans la série au titre provocateur Fuck
Maîtres, Vincent Corpet fait surgir des oeuvres de Matisse, qu’il reproduit à taille réelle, des analogies formelles inédites mettant en scène notre capacité à voir et à fabriquer des images.
La construction de l’image peinte
Certains analysent le contexte de création et la nature des images. Dans des enquêtes particulières et romanesques sur l’histoire et la vie de personnages qu’il a choisi de peindre, Alun Williams croise une représentation de la Vierge de Raphaël à un portrait de Matisse d’après son modèle et infirmière Monique Bourgeois (qui est entre-temps devenue soeur Jacques-Marie) pour ses recherches sur la chapelle du Rosaire. Autour, l’environnement créatif du peintre moderne dans son atelier au Régina à Nice et quelques taches de peinture trouvées ici et là. Le portrait historique laisse place à la fabrication d’une idée de la Vierge d’après des éléments personnels. Paola Risoli met en place une installation qui, à partir de détails de la vie et de l’oeuvre du peintre, nous projette dans les coulisses de la création. Thierry Lagalla refait d’après photo la vue que Matisse avait depuis son lit au Régina, à la fin de sa vie [8]. Sur une fausse cheminée et un faux carrelage, l’image imprimée du tableau de paysage que Picasso avait prêté à Matisse (après que ce dernier lui eut rétorqué qu’il ne faisait pas beaucoup de paysages) parodie les rapports ambivalents entre les deux ténors. De l’irrévérence ironique à la chanson d’amour, cette reconstitution mêlant décor en carton-pâte, trompe-l’oeil et support imprimé contrefait le pouvoir des images et leur volonté illusionniste.
De l’oeuvre muséale
Le rôle du musée dans la perception d’une oeuvre est également mis en situation. Laurence Aëgerter a entrepris une série de portraits photographiques de spectateurs vus de dos contemplant les chefs-d’oeuvre de l’histoire de l’art. Au musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg, elle retient plusieurs Matisse et rejoue les solutions plastiques adoptées par le maître de la modernité. Dans GE 9154-100906-175148 (Matisse, jeu de boules), la spectatrice se fond littéralement dans la peinture à la manière d’un caméléon jusqu’à faire fusionner l’espace de la peinture et le temps de la création avec celui de sa réception dans un musée. Constituée de photocopies de textes et d’images sur la célèbre Danse punaisées sur un panneau d’affichage de mêmes dimensions que l’oeuvre référent, la proposition de la critique d’art Haizea Barcenilla Garcia met en jeu les modalités de perception et de réception de l’art, posant la question suivante : que regarde-t-on quand on voit un chef-d’oeuvre ? L’image que l’on en a ? Son discours et toute l’idéologie qui en découle ?
Pourquoi Henri ?
Ces convocations témoignent d’une réelle ambivalence : un coefficient d’ironie, d’insolence, de désinvolture, qui tend à désacraliser le maître de la modernité et, en même temps, un intérêt pour les qualités proprement picturales de ses oeuvres. Dans ces rapports intimes et complexes, chaque artiste expérimente et retient des leçons de peinture, comme l’absence de hiérarchie entre les sujets sollicités, la profusion décorative, le goût pour les motifs et les tissus, la couleur délivrée de la forme, l’aplatissement et l’imbrication des surfaces, le
syncrétisme et le métissage. « Bonjour, Monsieur Matisse! » esquisse ainsi les multiples floraisons que le peintre moderne a rendues possibles. La thématique de la citation renvoie intrinsèquement à l’oeuvre de Matisse. Elle prolonge, à l’image d’une retranscription musicale, ses variations faites de « paires et séries ». [9] Elle crée des déclinaisons et des juxtapositions surprenantes qui actualisent
l’oeuvre de référence, perpétuant ainsi l’idée matissienne d’un art évolutif et vibrant qui reflète la relativité du temps et du monde. La citation intensifie les artifices mis en place par le peintre de la modernité pour parler de peinture dans la peinture. Matisse joue des mises en abyme offertes par le motif de la fenêtre, du paravent, du tissu et du miroir. Il se cite lui-même dans ses oeuvres, en représentant ses propres toiles aux murs de ses intérieurs et scènes d’atelier. Les détournements proposés par les artistes cultivent cet art de la représentation. Les posters de Matisse placardés dans les oeuvres de Wesselmann, les empègues de Claude Viallat, les reproductions de Sherrie Levine, toutes ces citations s’inscrivent dans cette généalogie qui prend ses sources dans la guilde de Saint-Luc, corporation de peintres, de sculpteurs et… d’imprimeurs.
(ou La Rencontre)
La citation est bien l’art de faire sienne une histoire que l’on se raconte depuis la nuit des temps, développant le long fil de l’histoire de l’art. C’est pourquoi l’exposition observe un parcours thématique redessinant les grands axes du travail matissien. Les oeuvres de Matisse auxquelles les artistes font référence défilent sur des écrans vidéo, conviant le public à une sorte de jeu d’associations, à l’image de celui réalisé dans cet ouvrage. Chercher les rapprochements et les dissonances entre les oeuvres de Matisse et leurs appropriations nouvelles, c’est entrer dans la création, la décortiquer pour mieux l’apprécier. L’exposition favorise une réelle immersion dans cette danse entre artistes. Elle génère un processus de continuité et de dialogue artistique. C’est aussi ce que suggère le titre de l’exposition détourné d’une oeuvre de 1854 de Gustave Courbet : Bonjour, Monsieur Courbet (ou La Rencontre) élevant au rang de peinture d’histoire la rencontre entre le peintre réaliste et le mécène Bruyas. Le maître à penser qu’est Matisse rencontre ici les nouvelles
générations.
--
[1]. Sur ce point : Ils ont regardé Matisse. Une réception abstraite États-Unis/Europe, 1948-1968, cat. exp. Le Cateau-Cambrésis, musée départemental Matisse, Montreuil, Gourcuff Gradenigo, 2009 ; Éric de Chassey, La Violence décorative. Matisse dans l’art américain,
Nîmes, Jacqueline Chambon, 1998. Voir aussi : Éric de Chassey, « Is he the greatest »,et Yves Michaud, « Influence et reconstruction : deux cas contemporains de la relation à Matisse », dans Matisse aujourd’hui, Cahiers Henri Matisse, no 5, Nice, musée Matisse, 1993.
[2]. Daniel Buren, Entrevue, conversations avec Anne Baldassari, Paris, Musée des Arts décoratifs de Paris/Flammarion, 1987.
[3]. Claude Viallat, Hommage(s) à Matisse, cat. exp. Le Cateau-Cambrésis, musée départemental Matisse, Gand, Snoeck, 2005.
[4]. Christian Bonnefoi, cat. exp. Le Cateau-Cambrésis, musée départemental Matisse ; Bignan, domaine de Kerguéhennec ; Céret, musée d’Art moderne, Paris, Bernard Chauveau, 2012.
[5]. Pierre Buraglio, Auparavant… autour, cat. exp. Le Cateau-Cambrésis, musée départemental Matisse, 2004 ; Pierre Buraglio, « Le fil à plomb », dans Matisse aujourd’hui, Cahiers Henri Matisse, no 5, Nice, musée Matisse, 1993 ; Pierre Buraglio, Écrits entre 1962 et 2007, Paris, École nationale supérieure des beaux-arts, 2007.
[6]. Nathalie Bertrand, « Les intérieurs “matissiens”», dans Vincent Bioulès. Le paysage à Marseille dans les années 1990, Parcours, 1965-1995, cat. exp. Marseille, galerie Athanor ; Toulon, musée de Toulon, 1995.
[7]. Sur la thématique de la variation matissienne, voir : Cécile Debray (dir.), Matisse. Paires et séries, cat. exp. Paris, Centre Pompidou, 2012.
in Bonjour, Monsieur Matisse ! Rencontre(s), cat. MAMAC, Nice / Flammarion, Paris, 2013
« Bonjour, Monsieur Matisse (ou La Rencontre) »pourrait être le titre de chacune des oeuvres présentées dans l’exposition, tant celles-ci s’adressent sans ambages au peintre français. Chef de file du fauvisme, précurseur de l’art moderne et de la couleur délivrée avec les papiers découpés, Henri Matisse (Le Cateau-Cambrésis, 1869 – Nice, 1954) est sans conteste l’un des repères du XXe siècle aux côtés de Pablo Picasso et Marcel Duchamp. Après avoir multiplié les innovations plastiques, le peintre de la modernité est rapidement devenu une figure historique ; en attestent les expositions et les publications qui lui sont consacrées. La large diffusion de ses oeuvres sous forme de reproductions et de posters s’immisce chaque jour un peu plus dans l’art et dans nos vies jusqu’à constituer un fonds visuel partagé, connu de tous. Or, peu d’expositions ont été dédiées à sa
postérité, renforçant l’idée qu’il est désormais une figure du passé. « Ils ont regardé Matisse », présentée au musée du Cateau-Cambrésis en 2009, analysait la réception du peintre dans l’art abstrait américain et européen d’après guerre [1]. Dans une autre trajectoire, le MAMAC réunit un panel d’appropriations de cette oeuvre dans un corpus cette fois figuratif allant des années 1960 jusqu’à aujourd’hui. Dans la profusion visuelle ambiante, beaucoup d’artistes regardent l’oeuvre du maître parmi tant d’autres sources qu’il est difficile d’y déceler une réelle filiation. Le MAMAC a fait le choix de s’interroger sur la survivance de l’iconographie matissienne en privilégiant la citation directe de ses tableaux. L’inspiration difficilement quantifiable laisse place aux reprises
formelles, explicites et revendiquées. Sous cet angle d’approche, l’oeuvre de Matisse se révèle être à la fois un héritage et un vivier créatif incontournables. Ce ferment fondamentalement ambigu et inextricable, tant il est lié à la création, est éminemment prolifique. Il est l’une des sources majeures et nautonières du XXe siècle et du XXIe qui se dévoile pleinement dans l’art de l’appropriation. Du détournement ironique à l’hommage en passant par la mise en valeur d’apports plastiques concrets, l’exposition du MAMAC invite à un voyage dans le temps de la peinture.
Matisse : une icône populaire ?
On pourrait croire qu’à l’orée des années 1960 peu d’artistes s’emparent de cette figure tutélaire, que l’heure est davantage à la ruine des derniers avatars du modernisme, or il est surprenant de constater que les artistes tournés vers la société de consommation regardent abondamment Matisse qui apparaît comme une figure sacrée et accessible à tous.
Un objet de consommation comme un autre ?
Le pop art américain s’approprie volontiers cette icône facilement identifiable. Certes, « the Pope of the Pop », Andy Warhol lui-même, ne reprend qu’une fois, à notre connaissance, une figure d’Henri Matisse dans une série consacrée aux oeuvres d’art célèbres, mais nombre de ces artistes revisitent copieusement sa peinture. Dans ses Great American Nudes, Tom Wesselmann met à profit la thématique du tableau dans le tableau pour reléguer l’oeuvre de Matisse au rang de poster. Les assemblages où elle devient une affiche décorative collée en arrière-plan foisonnent et dressent une allégorie de la peinture. Les oeuvres et l’important fonds de dessins préparatoires présentés dans l’exposition témoignent de la pérennité de cette approche. Rejouant les variations chères à Matisse, Roy Lichtenstein réalise à partir de 1972 la série des Still Life with Goldfish déclinant l’iconographie et la composition du bocal à poisson. Les croquis sélectionnés pour l’exposition insistent tout particulièrement sur cette reprise aux côtés de quelques natures mortes et scènes d’intérieur. Signes d’une manifestation sans retenue à l’égard de Matisse, ils donneront tous lieu à des peintures à l’huile imitant la reproduction mécanique de la trame de la photogravure et de la bande dessinée, technique lisse et neutre qui a fait sa marque de fabrique. Grand admirateur de la peinture française et qui plus est maître en art de la citation, Larry Rivers rend hommage au peintre moderne plus tardivement, à partir des années 1990. On rencontre alors de nombreuses scènes en relief qui développent La
Danse ou mêlent les tableaux de Matisse à de splendides scènes d’atelier. Si, pour les artistes du pop art américain, Matisse peut être un objet de consommation comme un autre, à l’image des Campbell’s Soup pour Andy Warhol, la redondance de cette appropriation dépasse le simple plaisir citationnel. Elle témoigne d’une réelle fascination pour sa peinture. Au-delà des clins d'oeil faits à l’histoire de l’art, les thématiques développées (intérieurs, natures mortes, nus), l’absence d’objets de prédilection ou de hiérarchie dans le choix des sujets traités, la magnificence des couleurs pures, la stylisation des formes et l’aplatissement des surfaces, émanent de l’héritage matissien. En France, la situation semble de prime abord plus complexe. La réponse de Daniel Buren face à la peinture de Matisse est sans appel. Il la juge « petit-bourgeois », « banale, presque commerciale», « petite et même par le format [2] ».
Cette critique virulente vis-à-vis des modernes s’étend à une grande partie de la création de l’époque qui veut se détacher de cette « peinture de chevalet » pour conquérir le monde qui l’entoure. Toutefois, les rares emprunts de Niki de Saint Phalle et de quelques affichistes relèvent davantage de l’hommage que de l’acte de contestation.
Une image à pirater ou a mixer
En Europe, c’est par le Mec Art et la Nouvelle Figuration que la figure de Matisse se confronte à la culture consumériste et populaire. Une peinture de Valerio Adami assimile dans un style figuratif acéré une photographie de Brassaï prise en 1939 dans l’atelier du peintre, rue des Plantes à Paris. Matisse, assis, se perd dans son carnet à dessin. À l’instar d’une bande dessinée, l’oeuvre parodie
son amour pour les modèles par une métaphore à caractère sexuel humoristique. Chez Alain Jacquet, certaines oeuvres se trouvent contaminées par des motifs détournés, à l’image du Luxe I à la fois voilé et révélé par un camouflage militaire. Les références foisonnent dans la peinture pourtant séditieuse d’Erró. En 1969, Matisse Motor parasite cette fois le silence et la sérénité du Luxe
I par les moyens d’évasion modernes. Un moteur à explosion prend place de part et d’autre des figures alors qu’un avion de chasse américain raye la douceur du ciel. L’image de référence est soumise à un traitement d’aplatissement des surfaces, de stylisation des formes et des couleurs, quasi mécanique, mais résiste suffisamment pour être reconnaissable. Signe de vénération ou reprise
débridée, la présence de Matisse, loin d’être fortuite, trouve son origine dans une réelle filiation. Le syncrétisme à l'oeuvre dans les peintures fauves et dans les papiers découpés refait surface dans les mixages de cultures savante et populaire. La pratique du «copier/coller », l’imbrication des surfaces apparaissent dès lors comme des éléments rapportés de la peinture matissienne.
En mode intrusif
Dans une volonté de désacralisation provocante, parodique et paradoxalement révérencieuse, Matisse se voit peu à peu projeté dans des espaces-temps où on ne l’attendait pas. Ecce Pictura du poète et collagiste tchèque Jirí Kolár en est un bel exemple : sur l’image
imprimée d’un tableau classique peint par Claude Lorrain, il dispose dans le paysage La Musique de Matisse comme s’il avait tendu une toile de cinéma pour les personnages du tableau. Francesco Vezzoli associe la figure d’Olga Khokhlova, célèbre danseuse et première épouse de Pablo Picasso, à La Danse qui devient une auréole brodée, emblème de ses arts, puisque Olga pratiquait aussi
la couture. Les supports de communication réalisés par Martin Kippenberger en 1996 à l’occasion de son exposition au titre révélateur « L’Atelier Matisse sous-loué à Spiderman » à l’Atelier Soardi (Nice), confrontent de célèbres photographies du maître dessinant La
Danse, dans le lieu même où il est invité à exposer, à la figure du super-héros Spiderman rapiéçant son costume ou formant lui-même une danse. C’est aussi par des associations cocasses que Matisse fait irruption dans le quotidien de Loïc Le Pivert. Les 48 dessins réalisés pour l’exposition sont truffés de private jokes pour geeks faisant basculer cette figure historique dans des univers improbables et pourtant bien explicables. Par la technique du collage, Gérald Panighi associe des pin-up jouant du motif de La Gerbe avec
des fragments de phrases dactylographiées. Ces « téléportations »empruntées à la vision subjective des jeux vidéo réactualisent l’oeuvre de Matisse. Elles ouvrent de nouvelles perspectives qui démultiplient à outrance les champs de référence et d’interprétation tout en
soulevant un certain nombre de questions sur l’art et sur le monde. Qu’elles soient pop, New Wave ou postmodernes, ces représentations désacralisées offrent une nouvelle lecture de l'oeuvre de Matisse et des artistes qui s’en sont inspirés. Le pouvoir des images opère : une interaction se crée entre l’oeuvre référent et sa citation.
La voie décorative
Il ne faut pas oublier que le peintre moderne a considérablement influencé toute une génération d’artistes tournés vers les procédés ornementaux comme le pattern painting (pattern : patron, motif, ornement, échantillon). Ces ramifications prolifiques d’une
importance cruciale dans l’histoire de l’art s’expriment chez un grand nombre d’artistes engagés dans une déconstruction analytique de la peinture. Des artistes aussi différents que Claude Viallat, Pierre Buraglio, Louis Cane ou encore Christian Bonnefoi et Claude Rutault, dialoguent ainsi tout au long de leur pratique avec Henri Matisse. Plusieurs angles d’approche se dessinent et s’étendent jusqu’à aujourd’hui avec des artistes comme Christophe Cuzin, Patrice Carré ou Cynthia Lemesle & Jean-Philippe Roubaud. Dans un sillon figuratif, Jean-Michel Basquiat aux États-Unis, Robert Combas et Vincent Bioulès en France s’engagent dans la luxuriance des intérieurs matissiens.
Le motif, le papier découpé et le décoratif
Certains artistes font l’expérience du décoratif par un motif formant lui-même un tout. Claude Viallat [3] fait sien le motif de La
Vague. Une fois son système mis en place (la répétition d’une forme apposée à intervalles réguliers jusqu’à recouvrir la totalité du support), l’ombre de Matisse demeure latente : dans la profusion des couleurs, des entrelacs et des tissus ainsi que dans son intérêt pour les cultures primitives et folkloriques. Ces proximités s’affirment explicitement dans des oeuvres commeFenêtre à Tahiti (hommage à Matisse) ou Porte-fenêtre à Collioure. Dans un travail d’interprétation et de citation des repères de l’histoire de l’art, Louis Cane revient sur les papiers gouachés par des découpages dans la résine colorée. Tout un vocabulaire matissien, fait de coraux, de palmettes et
de treillages rappelant l’avatar du châssis, se combine à des réflexions sur la couleur et la surface.
Depuis 1974, Christian Bonnefoi [4] n’a cessé de travailler le quatuor Nus de dos développé par Matisse sur vingt et une années (de 1909 à 1930). Du bas-relief, il transfère son sujet dans le domaine du collage comme en écho aux papiers découpés du maître. Bonnefoi met à profit l’idée de la face habituellement cachée et silencieuse que représente le dos, en construisant son oeuvre sur le revers avant de la retourner pour la voir apparaître et revenir dessus au graphite. L’annulation des dualités dedans-dehors, endroit-envers, forme-fond qui construit l’ensemble de sa démarche résonne ainsi intensément avec celle d’Henri Matisse. Pierre Buraglio [5] entretient
également une relation profonde et fondatrice avec l’oeuvre du peintre moderne. Il retient (souvent par l’intermédiaire de Simon Hantaï) la distance et le silence qui se dégagent de ses tableaux, le bleu, la mise à plat, la découpe, la fenêtre… C’est en 1980 que Buraglio le cite directement dans une série d’études sur le Fauteuil rocaille vénitien qu’il a admiré quelques années auparavant au musée monographique de Nice. Les cinq variations qui déploient différentes techniques expriment magnifiquement les leçons
matissiennes de Buraglio.
Retenant tour à tour les potentialités offertes par les papiers découpés, la couleur délivrée, la profusion décorative, certains motifs
ornementaux (comme la vague, la fenêtre, l’arabesque) et la variation d’un thème jusqu’à son épuisement, l’oeuvre de ces artistes trouve son point d’ancrage dans la pratique du maître méditerranéen. Les réflexions sur la planéité et le caractère non illusionniste de la peinture, les rapports toujours renouvelés entre le fond et la forme, voilà encore des maillons qui relient ces artistes à Matisse.
L’imbrication des surfaces et du monde
L’agrégation des différents plans du tableau et des objets qui le composent en un tout inextricable est revisitée par les artistes qui conservent également ce mélange d’étrangeté et de joie de vivre qui se dégage des intérieurs matissiens. Dans une posture qui est proche des papiers découpés, Jean-Michel Basquiat place au crayon de couleur quelques figures du répertoire matissien : un bocal à poisson qu’il double comme une variation, la cathédrale Notre-Dame peinte par le maître depuis son atelier, quai Saint-Michel à Paris, ainsi qu’une tête de femme aux traits archaïques. Sur cet ex-voto est inscrit par trois fois « matisse » comme une invocation des plus
vibrante. L’ensemble de la peinture de Vincent Bioulès [6] renvoie sans conteste au peintre moderne. Dans La Sonate, il fait la synthèse de plusieurs tableaux de Matisse sur la musique.
L’aplatissement des surfaces, la saturation des couleurs, la confusion spatiale insistant sur la porosité des choses, de l’espace et du monde, sont autant d’apports matissiens que l’on retrouve également chez un artiste de la Figuration libre comme Robert Combas. La référence est moins évidente tant elle est digérée par l’artiste, mais elle est tout aussi généreuse. Il la titre Hommage à Matisse et à Maïté,
son modèle, comme s’il devait autant à l’un qu’à l’autre. L’odalisque est reléguée dans le coin supérieur droit du tableau comme une vignette de bande dessinée. L’idée matissienne d’une peinture appréhendée comme un tapis dans lequel s’enchevêtrent les motifs est menée à son paroxysme. Dans ses entrelacs, une danse rouge se profile. La joyeuse bacchanale sent les îles et rappelle le voyage de Matisse en Polynésie.
L’espace de la peinture
Intérieurs et scènes d’atelier constituent une source non négligeable pour qui veut s’emparer d’un décor à l’échelle de l’espace d’exposition. Engagés dans une interrogation sur les mécanismes et les conditions d’apparition de la peinture, Claude Rutault et Christophe Cuzin proposent une variation de L’Atelier rouge peint par Matisse en 1911. Claude Rutault dresse le relevé des toiles présentes dans le tableau (dimensions, emplacement, nature) et les réinjecte dans l’espace d’exposition [7]. L’installation amplifie le caractère spatial et temporel de la peinture dans le sens où elle est une actualisation conçue en fonction du lieu, qui peut être
réitérée selon le système de «Définition/Méthode » qu’il a mis en place dans les années 1970. La dimension ornementale de la peinture de Matisse s’affirme ici pleinement tout en conservant un rapport avec la planéité du médium. À partir des reproductions disponibles dans sa bibliothèque personnelle, Christophe Cuzin reprend, sur ordinateur et à partir de sa propre gamme de couleurs, les oeuvres
qui l’ont influencé durant ses études. Dans ce recensement généalogique, il n’est pas étonnant de retrouver L’Atelier rouge tant
la pratique in situ de Christophe Cuzin renoue avec la tradition décorative pour s’emparer des plafonds, des sols et des espaces résiduels, apportant un nouveau regard sur l’idéologie du « white cube ». L’Atelier rouge, qui intériorise toute la peinture du maître, trouve un écho dans la dissolution de la frontière entre la peinture et l’architecture.
On pourrait mentionner ici les accrochages très denses de Claude Viallat évoquant des tableaux comme L’Intérieur aux aubergines, ou
le dessin au fusain de Guillaume Pinard qui reproduit, à l’échelle de l’espace d’exposition, le premier tableau signé du maître, une nature morte très classique.
Le décor et le décoratif
D’autres artistes interrogent les enjeux décoratifs de l’oeuvre de Matisse via le pattern painting et Supports-Surfaces. En témoignent les techniques artisanales, domestiques ou populaires qu’ils mettent en oeuvre. Patrice Carré reproduit les gouaches découpées, mais en adhésif et avec des patrons et des ciseaux crantés, d’ordinaire utilisés en couture. Le découpage en zigzags crée de légers décalages qui soulèvent de nombreuses questions sur l’original et sa copie avec un humour distant et des moyens ordinaires assez kitsch. L’artiste met en jeu la capacité de transformation des oeuvres d’art célèbres qui, par des parasitages et interférences, ouvrent sur de nouvelles interrogations. Cynthia Lemesle & Jean-Philippe Roubaud réalisent une installation composée d’un papier peint dont les motifs évoquent un entrelacs de figures matissiennes sur et devant lequel sont disposées une aquarelle, une sellette et une céramique emplie de coraux réalisés au crochet. Le décor entre en résonance avec les papiers découpés et les intérieurs matissiens où s’amalgament des représentations de tissus, d’objets et de tableaux. Là, un des pans du papier peint roule sur le sol et s’invite dans l’espace d’exposition comme pour rendre hommage à l’apport de Matisse dans les toiles libres de Supports-Surfaces.
Matisse comme poster
La posture citationnelle se mue parfois en un détournement postmoderne ou conceptuel qui met en jeu nos rapports à l’image dans une société de plus en plus virtuelle. Face à l’innovation constante, les artistes répondent avec des visuels existants plongeant le spectateur dans une zone d’incertitudes qui doit le pousser à s’interroger sur ce qu’il voit. Reprises et appropriations perturbent le principe de l’histoire de l’art tel qu’il s’est développé depuis Vasari ainsi que ses concepts d’originalité, d’autonomie et de signature. Matisse, icône tant populaire qu’emblématique de la modernité, devient un outil idéal.
Une image reproductible
La question de la reproductibilité technique des images devient centrale. Différentes générations détournent subtilement les oeuvres du maître pour problématiser cette notion. Sherrie Levine reprend, trait pour trait, dans une taille légèrement réduite, plusieurs portraits de Matisse à l’aquarelle. La copie, modèle d’apprentissage classique, élude le caractère original, unique et créatif de l’oeuvre d’art. L’artiste américaine amorce ainsi un court-circuit dans une société paradoxalement hantée, d’une part, par l’appropriation citationnelle et, d’autre part, par les notions de droits d’auteur et de piratage. Dérivée d’un scénario sur l’histoire fictive de l’artiste Jason James,
la série Crocodile Tears de Douglas Huebler met en relation différentes sources dont des reproductions matissiennes qui questionnent avec humour et poésie le positionnement de l’art et des nouveaux médias dans la société actuelle. L’original et la copie intéressent également l’artiste français Gilles Mahé. Avec désinvolture, il transforme, réinterprète l’image imprimée pour la faire sienne mais aussi pour lui donner une seconde vie et en faire un vecteur d’échange. Dans cette logique, il reprend plusieurs reproductions photocopiées de Matisse à la gouache. Par des photogrammes non révélés des vitraux de la chapelle du Rosaire, Isabelle Giovacchini travaille l’évanescence et l’épiphanie des images. Vik Muniz s’attache lui aussi à réinterpréter les mécanismes de la représentation. Il
réalise des photographies de peintures de Matisse reprises aux pigments de couleur. Ces images tendent à modifier notre perception des tableaux illustres en insistant sur leur caractère illusionniste et sensuel –et quoi de plus voluptueux que le pigment de couleur, essence même de la peinture ?
Puissance iconique et mémoire visuelle
Le détournement subtil des oeuvres phares de Matisse mettent à l’épreuve leur prégnance visuelle et identitaire. Dans une démarche pluridisciplinaire axée sur la mise en relation d’images et de mots, John Baldessari met en exergue la nature intrinsèquement équivoque des images. L’artiste reporte sur toile plusieurs impressions photographiques d’oeuvres de Matisse qu’il confronte à des inscriptions peintes à la main, créant des associations de sens inédites. L’une présente le bocal à poisson combiné aux Campbell’s Soup de
Warhol tant par le traitement chromatique que par l’amalgame réalisé grâce à la légende associant le motif pop à l’image représentée. Une autre joint un pas de La Danse au chien futuriste de Giacomo Balla et pose l’équation sous forme de devinette : «
… and Matisse ». Une autre encore ne conserve de La Musique que deux paires de jambes associées à Dark City, film de science-fictiond’Alex Proyas explorant les notions d’identité et de mémoire. Sophie Matisse utilise les classiques de l’histoire de l’art en prenant
bien soin d’effacer les personnages des tableaux pour susciter notre mémoire visuelle. Quand elle s’attache aux peintures de son arrière-grand-père, comme dans La Conversation et La Leçon de piano, l’appropriation est d’autant plus intime et touchante. Par l’absence des figures familières, Sophie Matisse renvoie conversation et musique au silence de la peinture. Dans la série au titre provocateur Fuck
Maîtres, Vincent Corpet fait surgir des oeuvres de Matisse, qu’il reproduit à taille réelle, des analogies formelles inédites mettant en scène notre capacité à voir et à fabriquer des images.
La construction de l’image peinte
Certains analysent le contexte de création et la nature des images. Dans des enquêtes particulières et romanesques sur l’histoire et la vie de personnages qu’il a choisi de peindre, Alun Williams croise une représentation de la Vierge de Raphaël à un portrait de Matisse d’après son modèle et infirmière Monique Bourgeois (qui est entre-temps devenue soeur Jacques-Marie) pour ses recherches sur la chapelle du Rosaire. Autour, l’environnement créatif du peintre moderne dans son atelier au Régina à Nice et quelques taches de peinture trouvées ici et là. Le portrait historique laisse place à la fabrication d’une idée de la Vierge d’après des éléments personnels. Paola Risoli met en place une installation qui, à partir de détails de la vie et de l’oeuvre du peintre, nous projette dans les coulisses de la création. Thierry Lagalla refait d’après photo la vue que Matisse avait depuis son lit au Régina, à la fin de sa vie [8]. Sur une fausse cheminée et un faux carrelage, l’image imprimée du tableau de paysage que Picasso avait prêté à Matisse (après que ce dernier lui eut rétorqué qu’il ne faisait pas beaucoup de paysages) parodie les rapports ambivalents entre les deux ténors. De l’irrévérence ironique à la chanson d’amour, cette reconstitution mêlant décor en carton-pâte, trompe-l’oeil et support imprimé contrefait le pouvoir des images et leur volonté illusionniste.
De l’oeuvre muséale
Le rôle du musée dans la perception d’une oeuvre est également mis en situation. Laurence Aëgerter a entrepris une série de portraits photographiques de spectateurs vus de dos contemplant les chefs-d’oeuvre de l’histoire de l’art. Au musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg, elle retient plusieurs Matisse et rejoue les solutions plastiques adoptées par le maître de la modernité. Dans GE 9154-100906-175148 (Matisse, jeu de boules), la spectatrice se fond littéralement dans la peinture à la manière d’un caméléon jusqu’à faire fusionner l’espace de la peinture et le temps de la création avec celui de sa réception dans un musée. Constituée de photocopies de textes et d’images sur la célèbre Danse punaisées sur un panneau d’affichage de mêmes dimensions que l’oeuvre référent, la proposition de la critique d’art Haizea Barcenilla Garcia met en jeu les modalités de perception et de réception de l’art, posant la question suivante : que regarde-t-on quand on voit un chef-d’oeuvre ? L’image que l’on en a ? Son discours et toute l’idéologie qui en découle ?
Pourquoi Henri ?
Ces convocations témoignent d’une réelle ambivalence : un coefficient d’ironie, d’insolence, de désinvolture, qui tend à désacraliser le maître de la modernité et, en même temps, un intérêt pour les qualités proprement picturales de ses oeuvres. Dans ces rapports intimes et complexes, chaque artiste expérimente et retient des leçons de peinture, comme l’absence de hiérarchie entre les sujets sollicités, la profusion décorative, le goût pour les motifs et les tissus, la couleur délivrée de la forme, l’aplatissement et l’imbrication des surfaces, le
syncrétisme et le métissage. « Bonjour, Monsieur Matisse! » esquisse ainsi les multiples floraisons que le peintre moderne a rendues possibles. La thématique de la citation renvoie intrinsèquement à l’oeuvre de Matisse. Elle prolonge, à l’image d’une retranscription musicale, ses variations faites de « paires et séries ». [9] Elle crée des déclinaisons et des juxtapositions surprenantes qui actualisent
l’oeuvre de référence, perpétuant ainsi l’idée matissienne d’un art évolutif et vibrant qui reflète la relativité du temps et du monde. La citation intensifie les artifices mis en place par le peintre de la modernité pour parler de peinture dans la peinture. Matisse joue des mises en abyme offertes par le motif de la fenêtre, du paravent, du tissu et du miroir. Il se cite lui-même dans ses oeuvres, en représentant ses propres toiles aux murs de ses intérieurs et scènes d’atelier. Les détournements proposés par les artistes cultivent cet art de la représentation. Les posters de Matisse placardés dans les oeuvres de Wesselmann, les empègues de Claude Viallat, les reproductions de Sherrie Levine, toutes ces citations s’inscrivent dans cette généalogie qui prend ses sources dans la guilde de Saint-Luc, corporation de peintres, de sculpteurs et… d’imprimeurs.
(ou La Rencontre)
La citation est bien l’art de faire sienne une histoire que l’on se raconte depuis la nuit des temps, développant le long fil de l’histoire de l’art. C’est pourquoi l’exposition observe un parcours thématique redessinant les grands axes du travail matissien. Les oeuvres de Matisse auxquelles les artistes font référence défilent sur des écrans vidéo, conviant le public à une sorte de jeu d’associations, à l’image de celui réalisé dans cet ouvrage. Chercher les rapprochements et les dissonances entre les oeuvres de Matisse et leurs appropriations nouvelles, c’est entrer dans la création, la décortiquer pour mieux l’apprécier. L’exposition favorise une réelle immersion dans cette danse entre artistes. Elle génère un processus de continuité et de dialogue artistique. C’est aussi ce que suggère le titre de l’exposition détourné d’une oeuvre de 1854 de Gustave Courbet : Bonjour, Monsieur Courbet (ou La Rencontre) élevant au rang de peinture d’histoire la rencontre entre le peintre réaliste et le mécène Bruyas. Le maître à penser qu’est Matisse rencontre ici les nouvelles
générations.
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[1]. Sur ce point : Ils ont regardé Matisse. Une réception abstraite États-Unis/Europe, 1948-1968, cat. exp. Le Cateau-Cambrésis, musée départemental Matisse, Montreuil, Gourcuff Gradenigo, 2009 ; Éric de Chassey, La Violence décorative. Matisse dans l’art américain,
Nîmes, Jacqueline Chambon, 1998. Voir aussi : Éric de Chassey, « Is he the greatest »,et Yves Michaud, « Influence et reconstruction : deux cas contemporains de la relation à Matisse », dans Matisse aujourd’hui, Cahiers Henri Matisse, no 5, Nice, musée Matisse, 1993.
[2]. Daniel Buren, Entrevue, conversations avec Anne Baldassari, Paris, Musée des Arts décoratifs de Paris/Flammarion, 1987.
[3]. Claude Viallat, Hommage(s) à Matisse, cat. exp. Le Cateau-Cambrésis, musée départemental Matisse, Gand, Snoeck, 2005.
[4]. Christian Bonnefoi, cat. exp. Le Cateau-Cambrésis, musée départemental Matisse ; Bignan, domaine de Kerguéhennec ; Céret, musée d’Art moderne, Paris, Bernard Chauveau, 2012.
[5]. Pierre Buraglio, Auparavant… autour, cat. exp. Le Cateau-Cambrésis, musée départemental Matisse, 2004 ; Pierre Buraglio, « Le fil à plomb », dans Matisse aujourd’hui, Cahiers Henri Matisse, no 5, Nice, musée Matisse, 1993 ; Pierre Buraglio, Écrits entre 1962 et 2007, Paris, École nationale supérieure des beaux-arts, 2007.
[6]. Nathalie Bertrand, « Les intérieurs “matissiens”», dans Vincent Bioulès. Le paysage à Marseille dans les années 1990, Parcours, 1965-1995, cat. exp. Marseille, galerie Athanor ; Toulon, musée de Toulon, 1995.
[7]. Sur la thématique de la variation matissienne, voir : Cécile Debray (dir.), Matisse. Paires et séries, cat. exp. Paris, Centre Pompidou, 2012.