« Spatiale Eve »
in La Strada, n°191, 8 avril-28 avril 2013.

© Ève Pietruschi - Courtesy Galerie Maud Barral, Nice
L’exposition « Entracte ou îlots de fiction » à la Galerie Maud Barral invite à une réelle exploration de la pratique d’Ève Pietruschi tant elle prolonge le processus à l’oeuvre dans son travail. L’artiste (diplômée de la Villa Arson en 2007 et ancien membre du collectif KIT), y aménage différentes zones de recherche et de sensibilité qui se répondent par échos.
La mise en espace, savamment maîtrisée, crée un univers ramifié et serein où des splendides dessins évanescents habitent différemment l’espace. Certains se fixent par un système d’oeillets (série « Topographie », 2012), d’autres sont encadrés, contrecollés ou se décomposent en plusieurs feuilles de papier épinglées derrière un cadre simplement posé au sol (L’ombre du silence, 2012). Quelques dessins sont accrochés très haut, d’autres très bas de façon à créer une partition incomplète. Notre capacité à voir engage le déplacement ainsi que le souvenir.
À un détour, sur un mur de pigment jaune dans une composition géométrique très épurée s’articule une cartographie de petits dessins qui rayonnent avec l’ensemble de l’exposition. Les mezzanines démultiplient les points de vue. Les bancs créés par l’artiste invitent à s’approprier le lieu dans la durée. Au gré des déambulations, les oeuvres se répondent par ricochets. Une couleur, une architecture, un vide ou un horizon, correspondent.
Les dessins hébergent de subtiles zones de condensation travaillées au fusain ou aux crayons de couleur, des taches d’encre dynamiques, des nuées vibrantes de pigments purs, des légers champs tourbillonnant. Ces territoires sont un milieu silencieux qui entre en résonance avec des avatars d’architectures délaissées déposées délicatement sur le papier. Ève Pietruschi arpente les territoires et garde en mémoire les skylines en sursis. Elle prélève au moyen du medium photographique des serres oubliées, des usines et des hangars désaffectés, des paysages négligés voire désertés -autant d’archétypes et de symboles de travail passé- avant de les réinvestir par la technique du dessin et du report photographique. Les friches agricoles ou industrielles deviennent dès lors des paysages en mouvement annotés de repères tant naturels (une lumière, un relief, une végétation) que fabriqués (un bâtiment, une route, un abri).
Protéiforme, la démarche d’Ève trouve une articulation essentielle dans le dessin. L’historienne de l’art Catherine Macchi le décrit brillamment dans le très beau livret de l’exposition : « Une photographie est un dessin est une sculpture ». D’abord, le temps de la prospection et de la prise de vue (la confection d’un atlas mnémosyne), puis l’exploration de ces souvenirs dissipés par différentes techniques (report photographique, pliage, collage, installation). L’exposition restitue le mode de travail : de la collecte à la maquette, du dessin à l’installation. Certaines expérimentations sont comme projetées dans l’espace : l’armature d’une serre abrite des ombres capturées par le dessin (À l’ombre de la serre, le théâtre d’ombres peut commencer, 2012) ; au sol, une structure en bois rehaussée au pigment naît d’une ombre photographiée, imprimée, puis retravaillée en maquette (Sans titre, 2012) ; sur les murs se posent des pliages en aluminium comme échappés d’un croquis (série « Partition », 2012).
Structures, installations et dessins construisent un panoptique brisé. La vue d’ensemble laisse place à une perception fragmentaire, non pas statique mais mobile, jouant sur la persistance rétinienne et le souvenir. L’exposition « Entracte ou îlots de fiction » nous plonge avec plaisir dans une temporalité de l’interstice. Elle invite à percevoir et à appréhender le monde autrement.
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Ève Pietruschi, « Entracte ou îlots de fiction », 16 mars - 20 avril 2013
Galerie Maud Barral, Nice.
La mise en espace, savamment maîtrisée, crée un univers ramifié et serein où des splendides dessins évanescents habitent différemment l’espace. Certains se fixent par un système d’oeillets (série « Topographie », 2012), d’autres sont encadrés, contrecollés ou se décomposent en plusieurs feuilles de papier épinglées derrière un cadre simplement posé au sol (L’ombre du silence, 2012). Quelques dessins sont accrochés très haut, d’autres très bas de façon à créer une partition incomplète. Notre capacité à voir engage le déplacement ainsi que le souvenir.
À un détour, sur un mur de pigment jaune dans une composition géométrique très épurée s’articule une cartographie de petits dessins qui rayonnent avec l’ensemble de l’exposition. Les mezzanines démultiplient les points de vue. Les bancs créés par l’artiste invitent à s’approprier le lieu dans la durée. Au gré des déambulations, les oeuvres se répondent par ricochets. Une couleur, une architecture, un vide ou un horizon, correspondent.
Les dessins hébergent de subtiles zones de condensation travaillées au fusain ou aux crayons de couleur, des taches d’encre dynamiques, des nuées vibrantes de pigments purs, des légers champs tourbillonnant. Ces territoires sont un milieu silencieux qui entre en résonance avec des avatars d’architectures délaissées déposées délicatement sur le papier. Ève Pietruschi arpente les territoires et garde en mémoire les skylines en sursis. Elle prélève au moyen du medium photographique des serres oubliées, des usines et des hangars désaffectés, des paysages négligés voire désertés -autant d’archétypes et de symboles de travail passé- avant de les réinvestir par la technique du dessin et du report photographique. Les friches agricoles ou industrielles deviennent dès lors des paysages en mouvement annotés de repères tant naturels (une lumière, un relief, une végétation) que fabriqués (un bâtiment, une route, un abri).
Protéiforme, la démarche d’Ève trouve une articulation essentielle dans le dessin. L’historienne de l’art Catherine Macchi le décrit brillamment dans le très beau livret de l’exposition : « Une photographie est un dessin est une sculpture ». D’abord, le temps de la prospection et de la prise de vue (la confection d’un atlas mnémosyne), puis l’exploration de ces souvenirs dissipés par différentes techniques (report photographique, pliage, collage, installation). L’exposition restitue le mode de travail : de la collecte à la maquette, du dessin à l’installation. Certaines expérimentations sont comme projetées dans l’espace : l’armature d’une serre abrite des ombres capturées par le dessin (À l’ombre de la serre, le théâtre d’ombres peut commencer, 2012) ; au sol, une structure en bois rehaussée au pigment naît d’une ombre photographiée, imprimée, puis retravaillée en maquette (Sans titre, 2012) ; sur les murs se posent des pliages en aluminium comme échappés d’un croquis (série « Partition », 2012).
Structures, installations et dessins construisent un panoptique brisé. La vue d’ensemble laisse place à une perception fragmentaire, non pas statique mais mobile, jouant sur la persistance rétinienne et le souvenir. L’exposition « Entracte ou îlots de fiction » nous plonge avec plaisir dans une temporalité de l’interstice. Elle invite à percevoir et à appréhender le monde autrement.
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Ève Pietruschi, « Entracte ou îlots de fiction », 16 mars - 20 avril 2013
Galerie Maud Barral, Nice.