Voyage autour de la chambre Luz Azul
Par son travail sur la lumière, Éric Michel tente de capter, ne serait-ce qu’un instant, l’appréhension du monde comme un ensemble de vibrations et d’interactions. À La Junqueira à Lisbonne, il creuse ce sillon et saisit le réel comme « un pullulement continuel et instable d’objets, une apparition-disparition incessante d’identités éphémères[1]. »
Ici, des choses désuètes, chinées aux puces, détournées, convoquent une mémoire intime, personnelle et oubliée de Lisbonne. De vieux flotteurs de pêcheurs en verre soufflé se métamorphosent en sphères cosmiques ; un globe terrestre s’illumine ; des objets anecdotiques et dérisoires délivrent une résonnance particulière…
La multiplicité des techniques photographiques et vidéographiques investies renforce l’imbrication spatio-temporelle. La neige de postes de télévision à écran cathodique manifeste le jeu incessant des interférences. Une projection super 8 dévoile les miroitements sur le Tage comme si des étoiles constellaient l’immensité marine. Les cyanotypes de végétaux ou de plaques stéréoscopiques de la ville renvoient aux Azulejos, quand les polaroïds appellent à un voyage dans la concrétion du temps.
L’espace est comme suspendu à un fond musical et quelques fragments de littérature. Il semble être mis en orbite autour d’une vieille carte du ciel illustrant dans sa partie inférieure la distance des planètes au soleil.
La lumière qui éclaire, qui révèle est au centre de cette constellation. Des œuvres de lumière bleue amplifient les correspondances et forment un code cosmologique, symbolique, indéchiffrable. Trois rectangles de lumière fluorescente invitent à un passage de l’autre côté du miroir. Un cercle en néon qui amorce et ne clôt pas, ouvre un espace de circulation : c’est une pleine lune, bleue, mystérieuse, envoutante, magnétique. Puis, l’argon dessine un mot, telle une révélation :
LUZ AZUL
La chambre de lumière azur contient cette mélancolie heureuse qui habite Lisbonne. Elle fonctionne comme une capsule, une galaxie, un atlas de mémoire. Dans cet univers intérieur, les objets refusent de s’immobiliser, dialoguent avec l’âme de la ville. Ils comportent une charge émotionnelle que l’imagination adapte à ses propres souhaits, espérances, préjugés et souvenirs. Leur puissance immanente invite à écouter les idées qu’ils véhiculent, leurs orientations passées et futures, leurs vies inachevées et à venir.
La découverte de la cité portugaise, par ballades concentriques, exprime cette notion de champ de forces, convoquant la probabilité, le heureux hasard, la sérendipité. Cette chambre de lumière explore les réflexions d’Heidegger sur la définition de l’artiste qui « espace l’espace ». L’art n’est pas une distraction ou un élément de décor, il est une expérience sensible où les savoirs se cristallisent. À travers cette reconfiguration, Éric Michel génère une conception du territoire lisboète et du monde, dessinant en quelque sorte son portrait en creux. Cette « géopoétique » (Kenneth White) évoque à quel point tout est inextricablement lié, indissociable ; elle saisit cette sensation fugace, magique, de coexistence infiniment absorbante et changeante.
[1] Carlo Rovelli, Sept brèves leçons de physique, Paris, éd. Odile Jacod, 2015, p.41.
Par son travail sur la lumière, Éric Michel tente de capter, ne serait-ce qu’un instant, l’appréhension du monde comme un ensemble de vibrations et d’interactions. À La Junqueira à Lisbonne, il creuse ce sillon et saisit le réel comme « un pullulement continuel et instable d’objets, une apparition-disparition incessante d’identités éphémères[1]. »
Ici, des choses désuètes, chinées aux puces, détournées, convoquent une mémoire intime, personnelle et oubliée de Lisbonne. De vieux flotteurs de pêcheurs en verre soufflé se métamorphosent en sphères cosmiques ; un globe terrestre s’illumine ; des objets anecdotiques et dérisoires délivrent une résonnance particulière…
La multiplicité des techniques photographiques et vidéographiques investies renforce l’imbrication spatio-temporelle. La neige de postes de télévision à écran cathodique manifeste le jeu incessant des interférences. Une projection super 8 dévoile les miroitements sur le Tage comme si des étoiles constellaient l’immensité marine. Les cyanotypes de végétaux ou de plaques stéréoscopiques de la ville renvoient aux Azulejos, quand les polaroïds appellent à un voyage dans la concrétion du temps.
L’espace est comme suspendu à un fond musical et quelques fragments de littérature. Il semble être mis en orbite autour d’une vieille carte du ciel illustrant dans sa partie inférieure la distance des planètes au soleil.
La lumière qui éclaire, qui révèle est au centre de cette constellation. Des œuvres de lumière bleue amplifient les correspondances et forment un code cosmologique, symbolique, indéchiffrable. Trois rectangles de lumière fluorescente invitent à un passage de l’autre côté du miroir. Un cercle en néon qui amorce et ne clôt pas, ouvre un espace de circulation : c’est une pleine lune, bleue, mystérieuse, envoutante, magnétique. Puis, l’argon dessine un mot, telle une révélation :
LUZ AZUL
La chambre de lumière azur contient cette mélancolie heureuse qui habite Lisbonne. Elle fonctionne comme une capsule, une galaxie, un atlas de mémoire. Dans cet univers intérieur, les objets refusent de s’immobiliser, dialoguent avec l’âme de la ville. Ils comportent une charge émotionnelle que l’imagination adapte à ses propres souhaits, espérances, préjugés et souvenirs. Leur puissance immanente invite à écouter les idées qu’ils véhiculent, leurs orientations passées et futures, leurs vies inachevées et à venir.
La découverte de la cité portugaise, par ballades concentriques, exprime cette notion de champ de forces, convoquant la probabilité, le heureux hasard, la sérendipité. Cette chambre de lumière explore les réflexions d’Heidegger sur la définition de l’artiste qui « espace l’espace ». L’art n’est pas une distraction ou un élément de décor, il est une expérience sensible où les savoirs se cristallisent. À travers cette reconfiguration, Éric Michel génère une conception du territoire lisboète et du monde, dessinant en quelque sorte son portrait en creux. Cette « géopoétique » (Kenneth White) évoque à quel point tout est inextricablement lié, indissociable ; elle saisit cette sensation fugace, magique, de coexistence infiniment absorbante et changeante.
[1] Carlo Rovelli, Sept brèves leçons de physique, Paris, éd. Odile Jacod, 2015, p.41.